L'histoire se répète, mais la situation est cette fois-ci plus sérieuse qu'il y a 2 ans, quand nous avions déjà relevé que les organes vitaux de l'Hadopi n'étaient plus légalement constitués. Depuis le 24 décembre 2013, trois des neuf membres du Collège de la Haute Autorité ont vu leur mandat de quatre ans expirer, et ils n'ont pas été remplacés depuis, contrairement aux mandats échus de la Commission de protection des droits (CPD) chargée de la riposte graduée — qui eux ont bénéficié d'un décret tardif le 31 janvier 2014 pour remplacer deux des membres.
En principe, le collège se réunit au minimum toutes les trois semaines. Mais incapable de fonctionner légalement dans de telles conditions, le collège de l'Hadopi (qui constitue sa tête pensante, alors que la CPD est le bras armé) n'a acté aucun document officiel en 2014, et erre comme un mort-vivant dans les couloirs de l'institution.
"Le collège s'est réuni mais il n'y a pas eu de décision appelant à une délibération", nous confirme en langage diplomatique la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection sur Internet.
Toutes les délibérations du collège sont publiées sur le site internet de l'autorité, où l'on peut vérifier que des "relevés de conclusions" ont bien été publiés tous les mois par la Haute Autorité depuis sa première réunion en janvier 2010. Tous les mois, sauf en 2014, et sauf au début de l'année 2012, à cause de la même absence de possibilité légale pour le collège de l'Hadopi de fonctionner. Mais à l'époque, le "bug" avait été corrigé en même temps pour le collège et la CDP. Pas cette fois-ci.
Or le fait que le Gouvernement remplace les membres de la CPD mais pas ceux du collège est un acte manqué très symbolique. Il montre que le ministère de la Culture préfère la riposte graduée confiée à l'Hadopi, aux réflexions menées par le collège sur la légalisation du piratage. Mais le vide juridique pourrait, au moins théoriquement, avoir de sérieuses répercussions.
Pas d'existence légale de l'Hadopi sans collège
De fait, c'est toute l'existence légale de la Haute Autorité qui est remise en cause par la vacance du collège, due non pas l'incapacité d'un membre à faire honneur à son mandat (ce qui permettrait d'opposer la théorie des formalités impossibles), mais bien à un vide juridique causé par l'inaction de l'exécutif.
En effet, l'article L331-15 du code de propriété intellectuelle dispose on ne peut plus clairement que l'Hadopi est "composée d'un collège et d'une commission de protection des droits", ensemble. Pas l'un ou l'autre, mais bien l'un et l'autre. Et la loi précise que le collège est composé de 9 membres, et non 6. Tant que neuf membres n'ont pas été désignés, le collège n'existe pas.
Plus embêtant encore, la présidente de l'Hadopi, Marie-François Marais, est présidente de l'Hadopi parce qu'elle est présidente du collège de l'Hadopi. "Le président du collège est le président de la Haute Autorité", indique la loi. Or s'il n'y a plus neuf membres, il n'y a plus de collège. S'il n'y a plus de collège, il n'y a plus de président de l'Hadopi. S'il n'y a plus président de l'Hadopi… Il n'y a plus d'Hadopi. En tout cas plus d'Hadopi capable de fonctionner légalement.
Les trois membres dont le mandat a expiré sont :
- Jacques Toubon, désigné par le ministère de la culture, mandaté par décret 23 décembre 2009, dont le mandat avait été fixé pour une durée de quatre ans par tirage au sort effectué le 8 janvier 2010 (.pdf) ;
- Martine Jodeau, désignée par le Conseil d'Etat par décret du 11 janvier 2013, en remplacement de Jean Musitelli dont le mandat était également de quatre ans ;
- Chantal Jannet, désignée par le ministère de la consommation par le décret du 23 décembre 2009, également pour une durée de quatre ans.
Ce lundi, l'Hadopi était incapable de dire quand le décret de remplacement des membres serait publié. L'affaire pourrait être urgente, ne serait-ce que pour une question de budget. Comme toutes les administrations, le collège devra avoir validé son compte de résultats d'ici le mois d'avril.
Son site internet n'a pas été mis à jour, et indique toujours les trois membres déchus comme faisant partie du collège.
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