Voilà qui devrait doublement soulager la Sacem, qui se bat depuis très nombreuses années contre la Commission Européenne pour éviter la création d'un marché unique des droits d'auteur en Europe. En revanche, c'est une mauvaise nouvelle pour les éditeurs de services de musique en ligne, qui attendent avec impatience l'installation du fameux "guichet unique" qui permettrait de largement faciliter l'obtention de droits pour tout le territoire européen.
Jeudi, la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) a tout d'abord jugé dans l'affaire OSA qu'un gestionnaire de stations thermales a bien l'obligation de payer des licences pour diffuser de la musique dans les chambres de ses clients, car même s'ils sont seuls dans chaque chambre, le nombre de clients concernés fait qu'il s'agit bien d'une "communication au public" devant donner lieu à autorisation — on se souvient que la CJUE avait jugé différemment au bénéfice des dentistes qui allument leur radio pour faire oublier le bruit de la fraise à quelques patients de passage sur la chaise.
Mais surtout, la CJUE a validé dans cette affaire l'interdiction faite à un exploitant d'aller négocier des licences auprès d'une société de gestion établie dans un autre pays de l'Union Européenne que celui du lieu d'exploitation. En l'espèce, la société Lé?ebné lázn? qui gère des spas estimait que la Sacem tchèque (OSA) pratiquait des tarifs de licences beaucoup trop élevés, et demandait à pouvoir négocier des droits ailleurs en Europe, au nom de la libre circulation des services en Europe.
Le droit d'auteur supérieur à la libre circulation des services
Dans son arrêt, la Cour rappelle qu'il ne peut être fait atteinte à la libre prestation de servies qu'en cas de "raisons impérieuses d’intérêt général", à condition que la restriction au libre marché soit "propre à garantir la réalisation de l’objectif d’intérêt général qu’elle poursuit" et qu'elle n'aille pas "au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre".
Or, justement, la CJUE estime que "la protection de droits de propriété intellectuelle constitue une telle raison impérieuse d’intérêt général".
"Une réglementation telle que celle en cause au principal, qui accorde, pour la gestion des droits d’auteur relatifs à une catégorie d’œuvres protégées, un monopole sur le territoire de l’État membre concerné à une société de gestion, telle qu’OSA, doit être considérée comme étant apte à protéger les droits de propriété intellectuelle, dès lors qu’elle est de nature à permettre une gestion efficace de ces droits ainsi qu’un contrôle efficace de leur respect sur ce territoire", écrivent les juges.
La Cour considère qu'il n'a pas été démontré qu'il existait un meilleur moyen de protéger les droits d'auteur que de permettre que de chaque société de gestion impose chez elle les tarifs qu'elle juge adaptée à son marché national. Si le libre choix était autorisé, prévient la CJUE, "au stade actuel du droit de l’Union, d’importants problèmes de contrôle relatifs à l’utilisation de ces œuvres et au paiement des redevances dues" se poseraient.
Quant aux tarifs excessifs de l'OSA, la Cour juge qu'il s'agit là de problèmes d'abus de position dominante, qui doivent se traiter en tant que tels, et non d'un problème de droits d'auteur.
(illustration : CC Jeepersmedia)
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