En 2011, la société pour l'attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet (ICANN) s'est prononcée en faveur de la création de nouveaux domaines de premier niveau génériques. Cette libéralisation doit permettre à des entreprises, des institutions et des collectivités de disposer d'adresses se terminant par des suffixes personnalisés, en plus de ceux déjà existants.
Concrètement, la création d'un domaine personnalisé est un processus très onéreux puisqu'il est facturé 185 000 dollars et implique une cotisation annuelle de 25 000 dollars. Malgré une tarification élevée, de nombreuses demandes ont été enregistrées : plus de 1900, selon l'Express. Des sociétés ad hoc comme Donuts (307 demandes) ont même vu le jour.
De l'enjeu des indications géographiques viticoles
Or, certaines requêtes inquiètent les parlementaires. C'est le cas de François Loncle, député PS de l'Eure. Dans une question écrite adressée aujourd'hui à Arnaud Montebourg, il note que "trois entreprises anglo-saxonnes se sont portées candidates à la gestion de ces appellations électroniques auprès de l'organisme américain chargé de ce secteur (ICANN)".
"Or ces sociétés ont déjà annoncé qu'elles vendraient au plus offrant les noms de domaine de second niveau, autrement dit le nom précédant le suffixe « .vin » et « .wine », sans se préoccuper des authentiques origines géographiques . Ainsi, des vins californiens ou australiens pourraient, à l'avenir, se trouver sous la rubrique « côtesdebeaune.vin » ou « coteauxdelaloire.wine »", s'alarme l'élu.
Sur le site de l'ICANN, on trouve effectivement trois requêtes pour le domaine .wine. Celle de June Station, LLC, une société américaine, celle de dot Wine Limited, une firme britannique située à Gibraltar, et celle d'Afilias Limited, une entreprise irlandaise. Concernant le domaine .vin, une seule requête a été trouvée : celle de Holly Shadow LLC, un groupe américain.
Pour le député, "ce serait une révoltante tromperie commerciale qui affecterait tout autant les producteurs que les consommateurs". Il demande donc à l'exécutif de détailler "les mesures concrètes qu'il envisage de prendre, tant en France que sur le plan européen et au niveau mondial, pour s'opposer à la marchandisation excessive des noms de domaine et préserver les indications géographiques viticoles".
La question de l'élu, publiée ce 8 avril au Journal officiel, n'a pas encore obtenu de réponse.
Les exigences du gouvernement français
Toutefois, le gouvernement a déjà eu l'occasion de s'exprimer dans une précédente question écrite adressée à Stéphane Le Foll en 2013, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Dans celle-ci, le ministre a signifié en particulier que "la reconnaissance et la protection des indications géographiques sont donc une priorité pour la France".
L'exécutif a ainsi défendu sa position auprès du comité consultatif des Gouvernements de l'ICANN, du comité de gestion de l'organisation commune de marché vitivinicole, de l'organisation internationale de la vigne et du vin et obtenu le soutien de l'Espagne et de la Commission européenne afin de réclamer "la mise en place d'une procédure visant la protection des indications géographiques".
Visiblement, le lobbying de la France paie. Selon La Croix, L'Icann a décidé de suspendre la procédure concernant le dossier .wine / .vin pour 60 jours pour "donner davantage de temps aux parties concernées pour négocier, ce qu’elles sont encouragées à faire". Dans sa réponse de 2013, le gouvernement a indiqué qu'il avait invité "l'ICANN à ne pas procéder pour l'instant à la délégation de ces domaines Internet".
Les négociations risquent de peiner à trouver un terrain d'entente.
La France avait signifié que "les indications géographiques représentent une valeur ajoutée très importante pour la filière vitivinicole et occupent une place prépondérante en valeur à l'export" et qu'il n'est pas concevable de ne pas prendre "en compte au mieux les intérêts de la filière vitivinicole et la nécessaire protection des indications géographiques".
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