Il n’y a pas que la Chine à vouloir avoir son propre système d’exploitation national, pour s’extirper des griffes des géants américains. En France aussi, si l’on en croit L’Opinion (sur abonnement), le ministre de l’économie, du redressement productif et du numérique, Arnaud Montebourg, souhaite que les pouvoirs publics favorisent l’essor d’un OS made in France.
Libre et open-source, « le système d’exploitation aurait pour but de se trouver partout, du mobile à la voiture, au robot, et de permettre la mutualisation des données entre les services partenaires« , explique le quotidien.
L’idée aurait été inspirée au ministre par le patron du groupe Skyrock, Pierre Bellanger, qui plaide depuis plusieurs années pour renforcer la souveraineté nationale en matière de données et de services informatiques. Dans une longue tribune publiée en 2011 dans Les Echos, intitulée « de la souveraineté en général et de la souveraineté numérique en particulier », Pierre Bellanger avait mis en garde les gouvernants. « Demain, l’énergie, les transports, l’automobile, l’éducation, la santé, l’agriculture, l’urbanisme, la sécurité, la défense seront métamorphosés par les sociétés de logiciels en réseau (…) Les futurs poids lourds de nos économies sont des sociétés issues du logiciel ou converties au logiciel. Bien sûr nous avons des réussites, des atouts, des champions, des brevets, des infrastructures et des talents, là n’est pas la question. La question est que nous n’en avons pas fait un enjeu de souveraineté« .
Un « résogiciel » souverain à l’échelle européenne
Pierre Bellanger avait approfondi cette idée dans un livre publié à l’été 2013 titré « L’Internet industriel » (.pdf), dans lequel il développait la notion de « résogiciel ». « Le résogiciel contrôle en un système unifié les services, les réseaux et les terminaux. À ce stade, sa rentabilité est assurée par son service principal initial : la publicité pour Google, le commerce pour Amazon ou la vente de terminaux pour Apple« . Or, prévenait-il, « le résogiciel étranger n’aura aucune considération particulière pour l’emploi sur les territoires sur lesquels il se développera. Il ne supportera pas la charge du chômage. L’appauvrissement généré par le transfert de valeur et de travail à son profit sera compensé par la faiblesse de la concurrence locale asphyxiée et se traduira donc par une part de marché encore plus conséquente« .
D’où l’idée d’associer les entreprises françaises et européennes autour d’un même « résogiciel » national ou européen, capable de rivaliser avec les références américaines. Pierre Bellanger allait-même jusqu’à placer explicitement Orange au coeur d’un « plan Réseau en 12 priorités« , dont la première était la création d’un système d’exploitation (OS) open-source basé sur le système Android de Google.
L’OS de Google serait modifié par Orange pour imposer une autre boutique de contenus que Google Play, permettant de mettre en valeur les contenus européens, et pour intégrer un réseau social alternatif à Facebook, afin de relocaliser les données personnelles échangées. Il viserait également à renforcer la protection des données les plus sensibles, en étant élaboré en collaboration avec les autorités militaires. Enfin, selon le plan Bellanger, l’OS d’Orange serait adopté par les principaux opérateurs mobiles européens, associés au projet.
Orange y travaille déjà
Or cette idée n’est pas qu’une chimère issue d’un esprit illuminé. Dès 2010, Stéphane Richard avait lui-même dévoilé qu’il avait « invité à Paris les patrons de Vodafone, Telefonica et Deutsche Telekom » pour « réfléchir en commun à la création d’un système d’exploitation, qui est le cheval de Troie utilisé par les Google et autre Apple pour établir leur propre relation avec nos clients« .
« À nous quatre, nous pesons près d’un milliard de clients et avons une vraie force de frappe et capacité d’influence sur l’industrie. Cela peut prendre diverses formes: une société commune, petite usine à applications communes, nous allons voir... », prévenait le patron d’Orange.
Depuis, le projet n’a pas donné signe de vie. Mais il a peut-être été retardé pour bénéficier des travaux lancés par Ubuntu sur Ubuntu OS (soutenu notamment par Deutsche Telekom, Telecom Italia, ou Telefónica), ou de Mozilla sur Firefox OS (également soutenu par les trois mêmes opérateurs européens).
Une chose est sûre : Arnaud Montebourg entend bien y donner suite.
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