Nous rapportions plus tôt ce jeudi qu'Amazon s'apprêtait à lancer aux Etats-Unis un service de livres électroniques sur abonnement, Kindle Unlimited, permettant d'accéder à plus de 600 000 livres pour 9,99 dollars par mois. Mais nous ajoutions aussi qu'en France, un tel service était interdit par la loi sur le prix unique des livres électroniques qui impose aux éditeurs de fixer un prix de vente que les plateformes ont l'obligation de respecter.
Cependant nos confrères d'Actualitté révèlent que "plusieurs distributeurs français nous confirment avoir été contactés par la société, dans le cadre d'une mise en place du programme Kindle Unlimited". Le service serait même lancé dès le mois de septembre ou octobre prochain, en même temps qu'aux Etats-Unis.
De deux choses l'une. Soit Amazon et ses partenaires dans l'édition en France n'ont pas l'intention de respecter la législation française, ce qui est très peu probable. Soit ils pensent avoir trouvé le moyen de contourner l'esprit de la loi Lang 2.0, quitte à devoir défendre leur interprétation en justice.
Les DRM "locatifs" prévus par la loi sur le prix unique
Le site Youboox, qui propose déjà un service sur abonnement en France, avait expliqué au Figaro qu'il estimait ne pas dépendre de la loi sur le prix unique des livres numériques, car "nous proposons seulement un accès temporaire aux livres", et non un achat permanent. La plateforme, qui a raison sur le fond, estime qu'un service d'accès aux livres sur abonnement n'est pas une vente car il n'y a pas de transfert de propriété, mais une location ou un prêt.
Cependant les modalités d'applications édictées en novembre 2011 autorisent difficilement une telle analyse. Le décret n° 2011-1499 impose bien aux éditeurs de fixer un prix "de vente", y compris s'il le faut selon "la durée de mise à disposition du livre numérique", ou encore selon qu'il s'agit d'un téléchargement ou d'une "diffusion en flux". Le décret prévoit toutes les restrictions rendues techniquement possible par les DRM, qui de fait transforment la "vente" en simple "location" ou en prêt.
La solution juridique est donc probablement de prétendre qu'il n'y a aucun achat du livre du tout, ni même sous DRM ou par "streaming", mais simplement l'achat d'un abonnement à la plateforme Kindle Unlimited, qui propose de lire des livres. C'est ensuite Amazon qui paye l'éditeur, non pas pour chaque transaction, mais pour le temps passé par le lecteur à lire ses livres, ou le nombre de livres qu'il a lus. C'est osé, mais ça peut marcher.
Dans tous les cas, le service montre que la loi sur le prix unique des livres électroniques est au mieux déjà contournée, au pire décourageante pour les libraires qui n'ont pas osé s'aventurer dans une telle interprétation juridique.
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