Chaque jour jusqu'au 1er novembre prochain, la commissaire européenne Neelie Kroes publie une tribune d'une personnalité publique ou privée impliquée dans le numérique, pour enrichir la réflexion sur ce que devrait faire l'Europe avec la révolution technologique en cours. C'est sa manière de dire au revoir et de passer la main à Andrus Ansip et Günther Oettinger, les deux nouveaux commissaires européens chargés du numérique.
C'est dans ce cadre que Bruxelles a donné la parole à Lui Wei, le ministre chinois "de l'administration du cyberespace". Tout en prenant garde de ne vexer personne en maniant à la perfection une langue diplomatique qui vante "les deux grandes civilisations de la Chine et de l'Europe", Lui Wei se montre fermement déterminé à défendre la censure chinoise — ce qui lui est d'autant plus aisé que l'Europe l'imite de plus en plus.
Après avoir rappelé les mérites économiques d'Internet, qui pèse déjà pour plus d'un dixième de l'économie chinoise, et évoqué les belles réussites industrielles comme le géant Alibaba, le ministre du cyberespace chinois met l'Europe et le monde en garde.
Faire d'Internet un "instrument de paix et de sécurité"
"L'Internet a son propre potentiel de risques : il pourrait devenir la caverne d'Alibaba tout autant qu'une boîte de Pandore, et ça dépend de nous. Différents pays peuvent avoir différentes idées, même se disputer parfois, sur l'Internet et sa gouvernance, en raison de leur propre passé, présent et de leurs expériences avec lui".
Toutefois, ajoute-t-il, "une même fin devrait prévaloir pour tous, celle de faire d'Internet une bénédiction et une aubaine, plutôt qu'une maladie mondiale, pour les gens à travers le monde".
Alors que la question de la cyberdéfense prend une ampleur croissante, au point que la France envisage d'en faire un quatrième corps d'armée, le ministre chinois demande que l'Europe veille avec la Chine à ce qu'Internet soit "un instrument de paix et de sécurité, plutôt qu'une arme pour les conflits entre états". Il souhaite que les deux puissances s'allient pour une "meilleure coopération sur la loi, la régulation et les politiques relatives au cyberespace", et pour lutter contre différents "problèmes" comme "la pornographie en ligne, la cybercriminalité et le cyberterrorisme".
Lutter contre le terrorisme, mais lequel ?
Internet doit être "une voie vers les droits et intérêts légitimes des citoyens, pas un repaire du crime, et jamais un habitat du terrorisme", prévient Lui Wei. Or la Chine a évidemment une vue particulière de ce qui est le terrorisme, tout comme la France a ses propres définitions tout aussi discrétionnaires, qui varient selon les époques et les conflits.
Pour la Chine, qui utilise régulièrement la censure pour freiner les révoltes, "l'Internet devrait être une place publique d'opinions honnêtes et raisonnables, pas un marché de calomnies et d'escroqueries".
"Avec un respect mutuel de la souveraineté sur Internet, une meilleure sécurité de l'information, et aucune cyber hégémonie, il est tout à fait possible pour les deux côtés de construire un système de gouvernance de l'Internet multilatéral, démocratique et transparent". Une pierre dans le jardin des Etats-Unis, qui ne renoncent à leur contrôle de l'ICANN qu'en misant sur la puissance prise par les entreprises américaines.
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