Il se trouve peut-être parmi nos lecteurs des juristes hispanisants qui pourront nous le confirmer, mais c'est bien ce que l'on croit comprendre à la lecture de la loi sur le droit d'auteur (.PDF, en espagnol) adoptée jeudi par les députés espagnols. Dans une folle surenchère à la protection des droits de propriété intellectuelle, qui aboutit par ailleurs à la création d'une HADOPI dopée aux hormones, les parlementaires ont adopté la création d'une "taxe Google" dont les modalités semblent avoir pour effet de rendre illicite l'utilisation de licences libres pour la diffusion de contenus.
En effet, les députés espagnols ont adopté une transposition de la fameuse Lex Google voulue il y a deux ans par la presse française, lorsqu'elle demandait à taxer les liens hypertextes de Google News (un projet qui a finalement été abandonné dans un incroyable numéro d'entourloupe). L'idée générale du texte est que la reprise d'articles dans un outil de syndication de contenus est libre, mais qu'elle doit faire l'objet du paiement d'une redevance globale à une société de gestion collective, qui répartit ensuite les sommes à due proportion entre les différents éditeurs bénéficiaires.
Mais pour éviter que Google puisse faire pression (comme en France ou en Allemagne) sur les éditeurs de presse pour qu'ils renoncent à un paiement de droits, la loi espagnole a ajouté une petite phrase aux effets potentiellement dévastateurs.
Voici ce que dit l'article 32 du projet de loi adopté (notre traduction) :
La mise à disposition du public par les fournisseurs de services électroniques d'agrégation de contenus de fragments insignifiants de contenus, publiés dans des journaux ou des sites Web qui sont régulièrement mis à jour et qui ont une finalité informative, de créer une opinion publique ou de divertissement, sont exemptés d'autorisation, sous réserve du droit de l'éditeur ou, le cas échéant, d'autres titulaires de droits de recevoir une compensation équitable. Ce droit est irrévocable et s'acquitte à travers les entités de gestion des droits de propriété intellectuelle. Dans tous les cas, la mise à disposition du public par des tiers de toute image, photographie ou un simple travail photographique publié dans des journaux ou sur des sites mis à jour périodiquement sont soumis à autorisation.
Sans préjudice des dispositions de l'alinéa précédent, la mise à disposition du public par des prestataires de services qui facilitent des outils de recherche de mots isolés inclus dans le contenu mentionné à l'alinéa précédent ne sont pas soumis à l'autorisation et la rémunération équitable à condition que cette mise à la disposition du public soit réalisée sans finalité commerciale propre et se limite à ce qui est strictement nécessaire pour fournir des résultats de recherche en réponse aux demandes de renseignements formulées précédemment par un utilisateur de la recherche et si la mise à disposition du public comprend un lien vers la page source du contenu.
Aussi, la loi adoptée jeudi interdit aux auteurs et éditeurs de renoncer à leur droit à la "compensation équitable". Ils ont l'obligation d'exiger un paiement lorsque leur article est repris sur des services d'agrégation comme Google News, Digg, Reddit ou autres. Aussi, l'utilisation d'une licence libre de type Creative Commons qui autoriserait l'exploitation commerciale est proscrite, la loi la rendant nulle et non avenue.
Le schéma rappelle la rumeur qui avait circulé, au moment de l'élaboration du rapport Lescure, d'une volonté de rendre les Creative Commons payantes. Une rumeur que Pierre Lescure avait écarté d'un doux mot : "plus con tu meures".
En 2012, l'Union des Photographes Professionnels (UPP) qui critique la concurrence des sites de photographies amateurs sous licences libres comme Flickr ou Wikimedia Commons de modifier le code de la propriété intellectuelle pour prévoir "que l’usage professionnel d’oeuvres photographiques est présumé avoir un caractère onéreux", des droits devant être versés à une société de gestion collective, sauf si l'auteur y renonce explicitement auprès d'elle.
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