Gandi fait partie des quelques gros hébergeurs qui ont menacé de quitter la France si le projet de loi renseignement était adopté en l'état, et qui avait donc été invité en dernière minute par le gouvernement à venir négocier une modification de la disposition qui leur impose l'installation de boîtes noires sur leurs réseaux (ils étaient invités aussi à faire la photo tout sourire avec Bernard Cazeneuve, ce qu'ils ont refusé).
Alors que la réunion avait eu lieu le matin et que l'adoption de l'article imposant ces boîtes noires était programmé le soir, c'est dans l'après-midi que le gouvernement a déposé son amendement, en faisant savoir par voies officieuses qu'il avait été coécrit avec les hébergeurs. Ces derniers, de façon incompréhensible, avaient alors choisi de garder le silence jusqu'à l'adoption du texte, évitant ainsi de le soutenir, mais aussi de le critiquer. Or selon notre analyse qui rejoint celle de la quasi totalité des observateurs, l'amendement ne changeait rien au problème.
Seul hébergeur à véritablement communiquer sur le sujet, Gandi avait dans un premier temps expliqué qu'il avait reçu verbalement des précisions rassurantes sur la méthode de déploiement des algorithmes, et même publié une infographie instructive sur les promesses de mise en oeuvre des boîtes noires faites par les services de l'État, pour tenter d'expliquer à ses clients qui serait mis en place. Néanmoins l'hébergeur n'entend pas abandonner le combat
"GRANDE PRUDENCE FACE A LA TOXICITÉ DE CETTE LOI"
Dans un communiqué de presse, Gandi parle d'une "discussion limitée" avec le Gouvernement et constate que "les engagements, pris oralement, n'ont pas été transcrits dans l’amendement" déposé et adopté à l'Assemblée nationale. En particulier, il a été expliqué aux opérateurs qu'ils auraient la maîtrise sur les flux entrants dans la boîte noire, mais ça n'est absolument une garantie apportée par le texte, qui commande aux FAI et hébergeurs de suivre les instructions données par les services.
"Les modalités de mise en oeuvre présentées lors de cette réunion devront donc faire l’objet d’un décret d’application, modifiable à tout instant par un nouveau décret qui rendrait caducs les engagements pris par le Gouvernement actuel", se méfie l'hébergeur. Il exprime "sa plus grande prudence face à la toxicité de cette loi, qui ne respecte pas le principe de séparation des pouvoirs".
Mais surtout, Gandi confirme son intention, non pas de quitter la France où il dispose d'équipes et de structures qu'il ne peut pas déménager facilement, mais de "poursuivre son développement à l'étranger, notamment au Luxembourg où l'entreprise dispose déjà d'un datacenter et d'équipes sur place".
Tous les clients de l'opérateur ont le choix du lieu d'installation de leurs serveurs lorsqu'ils commandent un hébergement chez Gandi. L'option par défaut est d'ores et déjà le Luxembourg, pour des raisons sans doute avant tout essentiellement fiscales (mise à jour : Gandi nous assure que non, qu'il s'agit de raisons liées à la qualité des infrastructures réseau au Luxembourg), mais le projet de loi devrait conforter Gandi dans cette stratégie, et surtout encourager les clients de l'hébergeur à confirmer ce choix lors de leur commande.
Le prestataire a annoncé sa participation à une journée de mobilisation prévue le lundi 4 mai prochain, à la veille du vote solennel du projet de loi, qui ira ensuite au Sénat.
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