Le mois dernier, l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a adopté une résolution extrêmement ferme contre les programmes de surveillance mis en place par les états européens, se disant "profondément préoccupée par les pratiques de surveillance massive" qui "englobent de nombreuses personnes que rien ne justifie de soupçonner d’avoir commis un acte répréhensible". La résolution ne visait pas spécifiquement la France, mais était bien ancrée dans le contexte de l'examen de la loi Renseignement par l'Assemblée nationale.
Quelques jours auparavant, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Nils Muižnieks, avait publié dans Le Monde une tribune commune avec Michel Forst, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, et Ben Emmerson, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme, pour dénoncer le projet de loi français. "Ce qui est en jeu à travers la loi n’est pas seulement la lutte contre le terrorisme, que nous souhaitons la plus efficace possible, mais aussi la société dans laquelle nous voulons vivre", écrivaient-ils. "Un débat ouvert, impliquant les différents acteurs compétents en matière de droits de l’homme, doit être mené pour permettre à la France de trouver le bon équilibre entre sécurité et respect des droits de l’homme".
D'autres ont fait part au Conseil de l'Europe de leur inquiétude, à l'image du représentant de l'OSCE pour la Liberté des Médias, qui estime que le projet de loi renseignement porte atteinte à la protection des sources des journalistes, en facilitant leur découverte.
FIN DE NON-RECEVOIR
Mais fidèle à la position qui est la sienne depuis la présentation du texte, la France s'enferre dans son refus d'écouter les arguments de ceux qui préfèrent la liberté à l'illusion de sécurité, et notamment d'admettre que son projet de loi viole les droits de l'homme. Dans une réponse adressée ce mardi 12 mai (.pdf), le cabinet du ministre des affaires étrangères Laurent Fabius a estimé qu'il n'y avait rien à redire au texte, qui respecterait les principes "de légalité, de nécessité et de proportionnalité", et enchaîné les affirmations sans démonstration.
Alors que de nombreuses organisations de la société civile et de protection des droits de l'homme sont vent debout contre le projet loi français, la diplomatie française assure que "la France se félicite qu’un débat démocratique riche et ouvert ait permis à tous les points de vue de s’exprimer", mais oppose une fin de non-recevoir aux arguments exprimés.
"C'est quoi ce débat sur les libertés ?", s'était même énervé Manuel Valls.
L'intégralité de la réponse française :
Réponse des autorités françaises(Courriel formel du 12 mai 2015 – Portail Diplomatie du Ministère des Affairesétrangères et du Développement international de la France)Dans une démocratie, le renseignement est une activité qui vise uniquement à la protectiondes citoyens. Le projet de loi encadre les activités de renseignement dans le respect duprincipe de légalité, de nécessité et de proportionnalité. Il définit des procédures protectricesdes libertés publiques et respectueuses de l’État de droit. Ces procédures reposent sur desautorisations préalables aux actions de renseignement, et instaurent une autoritéadministrative indépendante composée de magistrats, d’experts et de parlementaires. Leprojet de loi prévoit des mécanismes de recours juridictionnels ouverts non seulement àcette autorité, mais aussi aux citoyens qui pourraient s’estimer lésés, tout en assurant uncontrôle parlementaire accru.La France se félicite qu’un débat démocratique riche et ouvert ait permis à tous les points devue de s’exprimer. Le processus législatif est en cours ; le texte, qui a été adopté parl’Assemblée nationale à une très large majorité, doit encore être examiné par le Sénat. LePrésident de la République a annoncé que le Conseil constitutionnel serait saisi afin degarantir que le texte issu des discussions parlementaires soit conforme au respect deslibertés fondamentales. La France rappelle à cet égard son engagement déterminé pour laliberté de la presse et la protection des sources des journalistes, en France et partout dansle monde.
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