Sébastien Soriano, le président de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), a accordé en début de semaine une interview à la presse économique, rapportée par La Tribune. De façon révélatrice de l'ensemble de la tonalité générale du propos et des ambitions, alors que l'Arcep est chargée de réguler les tuyaux, il y a surtout été question de la régulation des contenus, ou plus exactement de la régulation des acteurs dont les services en ligne dominent l'économie numérique grâce à leur utilisation des tuyaux. En particulier, bien sûr, les géants américains comme Google, Amazon, Facebook ou Apple (les fameux GAFA).
Le patron de l'Arcep milite pour que l'Union européenne oppose un front solide contre les GAFA, pour favoriser l'éclosion d'entreprises européennes capables elles aussi de prendre des parts de marché importantes dans le monde. "Il faut mettre en place une véritable réglementation de manière à favoriser une concurrence saine", explique-t-il en songeant notamment à l'harmonisation fiscale dans les tous les pays de l'UE, qui éviterait que toutes courent s'installer en Irlande ou au Luxembourg. Mais pas seulement. "Des propositions devraient être dévoilées d'ici à la fin de l'année pour une législation courant 2016, au mieux".
"Rien ne pourra se faire sans le pilier franco-allemand", prévient Sébastien Soriano. France et Allemagne "doivent impulser une attitude offensive vis-à-vis des géants du web". Par exemple, alors que Google pourrait vouloir se lancer en tant qu'opérateur mobile virtuel en Europe (comme il l'est depuis peu aux Etats-Unis avec Project Fi), "il faut éviter qu'un acteur comme Google achète massivement de la connectivité mobile alors qu'il n'a pas contribué aux efforts d'investissements dans les infrastructures européennes". Il faudra donc taxer Google (ce qui sera déjà indirectement le cas par ses achats de licences), ou limiter le nombre de sous-licences qu'il pourra s'offrir.
La difficulté politique majeure reste toutefois de jongler entre deux idées peu compatibles l'une avec l'autre. D'un côté, Sébastien Soriano reconnaît que "dans le numérique, on réussit parce qu'on dispose d'une innovation de rupture, une idée géniale qu'on arrive imposer à tout le monde", ce qui plaide pour une vision libérale. De l'autre, il faut "réfléchir à la régulation des plate-formes", ce qu'a déjà proposé le Conseil National du Numérique ou le Conseil d'Etat, pour tenter de limiter les effets des positions dominantes établies, ce qui plaide pour l'interventionnisme.
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