Le bras de fer s'intensifie entre Google et la CNIL, autour de l'application du droit à l'oubli imposé par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Google Spain. Dans un communiqué, le gendarme de la vie privée annonce qu'elle met en demeure la firme de Mountain View, en lui demandant de faire le nécessaire, sous 15 jours, pour que les résultats de recherche censurés en France et en Europe soient aussi censurés dans le reste du monde, ce que Google refuse.
La CNIL "a expressément demandé que le déréférencement soit réalisé sur l’ensemble du moteur de recherches, quelle que soit « l’extension » de celui-ci (.fr ; .uk ; .com ; etc.)", rappelle l'autorité administrative. Or, Google "n’a octroyé le déréférencement que sur des recherches effectuées sur l’une des extensions géographiques européennes du moteur de recherche" et "pas, par exemple, sur des recherches effectuées à partir de « google.com » ou d’extensions non européennes" — on précisera toutefois qu'un internaute français qui se rend sur Google.com est en fait automatiquement redirigé vers Google.fr, et que c'est donc bien l'extension de la législation européenne à l'ensemble du monde que la CNIL demande, et non une simple extension à tous les noms de domaine.
La demande de l'autorité s'explique par le fait que les demandes émanent pour l'essentiel de citoyens européens, et que ces derniers doivent donc profiter de la protection offerte par le droit européen des données personnelles, y compris à l'égard des utilisateurs situés hors de l'Union européenne qui pourraient rechercher des informations sur eux.
Google, pour sa part, estime que le droit européen n'a pas vocation hégémonique, et que ce qui est protégé en Europe n'a pas à être protégé hors des frontières de l'UE.
15 JOURS POUR OBÉIR
En droit, la question est donc de savoir ce qui doit primer dans la détermination du droit applicable, entre le ratione loci, c'est-à-dire la compétence territoriale qui s'arrête aux frontières de l'État (ce que veut Google), ou le ratione personae, c'est-à-dire la compétence en raison de la personne (ce que veut la CNIL), et ici plus précisément de celui ou celle qui se dit victime du référencement d'informations qui la concernent. Faut-il que le droit européen protège le droit à la vie privée de tous les Européens à l'égard du monde entier, ou uniquement à l'égard des autres Européens ?
La question n'est pas simple et pourrait donc être tranchée par les tribunaux, si Google continue à résister. "Si Google Inc. ne se conforme pas à cette mise en demeure dans le délai imparti, la Présidente pourra désigner un rapporteur qui, le cas échéant, pourra établir un rapport proposant à la formation restreinte de la CNIL, chargée de sanctionner les manquements à la loi « informatique et libertés », de prononcer une sanction à l’égard de la société", prévient la CNIL.
L'autorité administrative annonce au passage qu'elle a été "saisie de plusieurs centaines de demandes de particuliers s’étant vu refuser le déréférencement de liens Internet (ou adresses URL) par Google". Selon le Rapport de transparence de Google, Google a reçu en France à ce jour 55 222 demandes concernant la suppression de 185 962 URL. Une majorité d'entre elles n'ont pas été satisfaites par Google, à qui la CJUE a demandé de concilier vie privée et droit à l'information.
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