Deux ans après la condamnation la condamnation en première instance, la justice allemande a confirmé mercredi l’obligation qu’avait YouTube de s’assurer que les contenus mis en ligne par les internautes et retirés une première fois à la demande d’ayants-droits ne puissent plus être remis en ligne. La cour d’appel a reconnu qu’en sa qualité d’hébergeur YouTube n’avait pas à rechercher activement les contenus piratés rendus disponibles sur la plateforme, mais qu’en revanche, selon les termes rapportés par Reuters, « si un tel fournisseur de service a été informé d’une violation claire de la loi, il doit non seulement retirer le contenu, mais aussi prendre toutes les précautions pour éviter de nouvelles violations des droits d’auteurs« .
En pratique les juges d’appel allemands imposent ainsi à la filiale vidéos de Google de pratiquer un « notice and stay down » que le rapport MIQ préconise aussi de mettre en place aussi en France. Actuellement, le droit européen qui fait l’objet de toutes les critiques par les ayants droits impose uniquement aux hébergeurs de retirer un contenu lorsqu’ils sont informés de son illégalité (« notice and take down »), mais pas de mettre en place des filtres pour éviter qu’un contenu retiré une première fois soit remis en ligne.
L’arrêt de la cour d’appel de Hambourg impose donc à YouTube de mettre en place des filtres, ce qu’il fait déjà dans les faits avec sa solution ContentID, mais qu’il devra désormais généraliser à tous les contenus supprimés pour violation des droits, qu’il ait ou non des accords avec les titulaires des droits :
Les motivations juridiques de la décision des juges d’appel ne sont pas encore connues, mais il est probable qu’elles se fondent sur « l’effet horizontal » des droits fondamentaux, dont font partie en Europe les droits de propriété intellectuelle, particulièrement depuis que la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne est devenue obligatoire.
Même si le droit de l’Union européenne n’impose pas de protéger les droits d’auteur, le fait que ces derniers soient intégrés au corpus des droits de l’homme impose que les juges les prennent en compte, et qu’ils trouvent l’équilibre entre les droits protégés (ici la propriété intellectuelle d’une part, la liberté d’expression et d’entreprise d’autre part). Au besoin, s’il le faut, en écartant l’application stricte des directives européennes qu’ils estimeraient trop attentatoires.
A cet égard, le juge allemand a certainement trouvé « équilibré » de ne pas imposer une surveillance généralisée des contenus, mais d’imposer un filtrage des contenus déjà signalés et confirmés comme étant illégaux, pour éviter leur remise en ligne. C’est une solution équilibrée sur le papier, mais qui pose tout de même deux problèmes.
Tout d’abord, le droit d’auteur n’est pas absolu et une utilisation interdite dans un certain contexte peut être admise dans un autre (par exemple la parodie), ce qui impose en principe d’avoir une analyse au cas par cas de chaque accusation.
Ensuite, et surtout, le filtrage a un coût. S’il est largement absorbé par Google / YouTube qui disposent des ressources et des outils technologiques pour assurer un tel filtrage et son suivi, ce n’est pas le cas d’autres plateformes, voire de petits hébergeurs. Plus on ajoute aux responsabilités d’un hébergeur, plus l’on favorise les grands acteurs et la centralisation des contenus sur quelques plateformes. A cet égard la simple obligation d’un « notice and take down » semblait le plus équilibré, par rapport à l’obligation de filtrage qui impose dans les faits de recourir à des solutions de watermarking brevetées, sous licences.
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