Il faut reconnaître au député socialiste Malek Boutih d'avoir de la constance dans les idées. Il y a deux ans, à l'occasion d'une audition de Pierre Lescure sur l'après-Hadopi, l'élu s'était déclaré favorable à une régulation du web par le CSA, et avait demandé à "reprendre le contrôle sur Internet". "C'est une question plus large de souveraineté", avait-il expliqué, en vain.
Dès lors, si la culture ne fut pas un motif suffisant à partir en croisade pour mieux réguler internet en France, peut-être que la lutte contre le terrorisme le sera ?
Bingo. A travers un rapport sur le djihadisme remis à Manuel Valls, publié par Le Figaro, Malek Boutih a consacré deux pages à un chapitre subtilement intitulé "Internet, la loi du Far West". Mais alors que l'expression est d'ordinaire utilisée pour critiquer une pseudo absence de régulation sur internet, qui n'existe que dans les fantasmes de ceux qui n'ont jamais ouvert un livre de droit depuis 1995, Malek Boutih l'utilise pour critiquer la main-mise des Américains sur la régulation du Web. A nouveau, c'est la question de la perte de souveraineté française, ou à tout le moins européenne, qu'il met en avant. Et en cela, il n'a pas tout à fait tort.
Vu que les services les plus populaires sur Internet sont tous Américains, et qu'ils importent la vision américaine de la liberté d'expression, beaucoup moins favorable au cul qu'aux têtes tranchées (ce qui n'est plus vraiment vrai), le député constate que "les américains, tout en étant dans le combat contre le radicalisme, sont aussi dans une stratégie impérialiste dans le domaine de la nouvelle économie et des nouveaux outils de surveillance", et que "si internet n’est pas régulable par les démocraties européennes, le réseau n’échappe pas à l’autorité américaine".
UN COMMISSARIAT A LA SOUVERAINETÉ NUMÉRIQUE
Malek Boutih demande donc au premier ministre de faire en sorte d' "assurer une souverainté démocratique sur internet" et de "défendre nos intérêts vitaux", ce qui "ne passe pas par une action juridique ou réglementaire, mais par le contrôle du cœur de la toile qu’est le système d’exploitation". Nous revoilà deux ans en arrière.
Mais cette fois-ci, le député a des propositions concrètes. Il suggère "la création d’un Commissariat à la souveraineté numérique", qui "s’impose comme l’outil indispensable permettant l’alliance des pouvoirs publics et du privé pour doter la France et l’Europe de leur propre infrastructure numérique, sans reproduire la logique autarcique du modèle chinois".
"Il ne faut pas oublier que sur internet les affaires continuent même pendant les guerres, et que les intérêts de nos alliés ne sont pas nécessairement les nôtres", prévient-il. Mais quel rapport avec le djihadisme et l'auto-radicalisation, qui est l'objet du rapport ?
POUR LES JEUNES, "LE RÉEL EST UN ARTIFICE"
"Invoquer la souveraineté à propos d’internet, c’est avant tout comprendre ce que représente le réseau pour la nouvelle génération. Pour cette net-génération, le réseau est une chambre, un salon, une rue, une place, une école, une entreprise, etc. Ils ne sont pas dans l’utilisation d’un média, mais se déplacent dans une nouvelle dimension, un nouvel espace dématérialisé", explique Malek Boutih, que l'on a parfois du mal à suivre.
"Au-delà de leur vie privée, la construction du lien social, de la conscience politique est désormais générée par l’interaction de réel et du virtuel. De fait cette segmentation n’a plus de sens pour eux, le réseau est souvent leur réalité et parfois le réel leur apparaît comme un artifice. Imaginer internet comme un tuyau à image et à texte que l’on pourrait filtrer est une illusion. Pourrait-on empêcher les individus de se parler ?"
"Et si internet est un territoire il faut y établir des règles de droit, mais surtout il faut que l’esprit républicain y soit présent en permanence. A cet égard, internet n’est pas un espace neutre, aujourd’hui c’est le droit américain qui le régente, demain c’est le modèle français qui doit s’y imposer comme garant de réelles libertés et de progrès. Tel est l’enjeu de la souveraineté numérique."
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