La lutte contre le piratage et la protection de l’identité culturelle d’un pays sont d’un certain point de vue des objectifs opposés pour un gouvernement. Lorsque l’industrie du disque impose aux webradios françaises un tarif minimum de 4 500 euros par an pour avoir le droit de diffuser des chansons en streaming sur Internet, elles limitent drastiquement le nombre de webradios françaises. Les webradios étrangères qui ne connaissent pas de telles barrières tarifaires peuvent plus facilement se multiplier et se faire connaître en France, en diffusant les œuvres et la culture musicale de leur pays respectifs. Il en est de même lorsque le gouvernement français mène une politique de propagande contre l’usage d’outils de partage de fichiers en France. Bien que le résultat économique espéré soit la remontée des ventes de disques sur le territoire français, le résultat culturel obtenu n’est qu’une réduction du nombre d’œuvres françaises distribuées sur les réseaux P2P. Plus la lutte s’intensifie, plus l’identité culturelle française s’efface sur les réseaux P2P au profit des demandes économiques de l’industrie, et des contenus culturels des autres nations.
Politiquement très incorrecte, cette analyse a pourtant une matérialité réelle dans les pays qui sont davantage importateurs qu’exportateurs de propriété intellectuelle. Parmi les grands pays industriels, le Canada fait partie de ceux là. Le pays consomme davantage d’œuvres qu’il n’en produit et n’en exporte. C’est pour cette raison que le plus grand pays d’Amérique du Nord freine des quatre fers pour introduire des législations toujours plus protectrices des propriétés intellectuelles, qu’elles soient du domaine littéraire et artistique, ou industrielle.
La loi DADVSI n’a pas encore d’équivalent en droit canadien, qui reconnaît la copie privée par le téléchargement. Le récent changement de gouvernement tend même à repousser l’échéance. Mais surtout, un nombre croissant de voix s’élève pour rejeter l’idée même d’introduire au Canada une transposition d’accords internationaux sur le droit d’auteur qui, en France entre autres, ont montré leur inadéquation à Internet. Un rapport (.pdf) publié par le ministère de la Culture canadien apporte de l’eau au moulin des détracteurs.
25 % de croissance des ventes pour les artistes canadiens
L’étude, qui porte sur le profil économique de l’industrie musicale canadienne, révèle qu’entre 2001 et 2004, les ventes d’albums d’artistes canadiens ont augmenté de 25,3 %, pour atteindre 8,5 millions d’unités. Les artistes étrangers (surtout américains) chutent au contraire de 20,2 % sur la même période, ce qui permet aux Canadiens d’obtenir une part de marché d’un quart, alors qu’elle n’était que de 16 % en 2001.
Le Québec, en particulier, a vu ses productions locales exploser. Les ventes d’albums d’artistes canadiens francophones sont passées de 2 millions d’unités en 2001 à 2,8 millions en 2004. Un tiers des meilleures ventes canadiennes sont réalisées par des artistes québecois.
Est-ce le résultat d’une plus grande exposition, rendue possible par Internet alors que les médias traditionnels canadiens accordent une part considérable au frontalier américain ? Parmi les sondés qui ont accès à Internet, 30 % disent avoir téléchargé de la musique sur Internet au cours de l’année passée, et 11 % ont acheté de la musique en ligne. Chez les 15-20 ans, les proportions montent respectivement à 68 % et 23 %, ce qui montre que la génération Napster, même dans un climat juridique a priori défavorable à l’industrie, ne rechigne pas à acheter de la musique sur Internet.
Surtout, le spectacle vivant est encore une fois le grand gagnant. Deux tiers des sondés ont vu au moins un concert l’an dernier, avec 11 % d’entre eux qui ont été à plus d’une dizaine de spectacles. « Environ 29 % de ceux qui ont assisté à un concert ont acheté des CD ou DVD lors du show, et 19 % ont acheté d’autres produits dérivés du concert« , rapporte le ministère.
En 2004, un rapport de l’OCDE avait conclu que le Canada était le premier pays au monde en terme d’usage de logiciels de P2P. En mars dernier, un rapport discret commandé par la CRIA (Canadian Recording Industry Association), le Snep canadien, avait démontré que les utilisateurs de P2P étaient aussi les premiers acheteurs de musique, et que la gratuité d’accès aux fichiers MP3 n’était qu’une cause mineure dans les motifs de non-achat.
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