A notre connaissance depuis ses débuts, Twitter a toujours permis aux utilisateurs de supprimer les tweets qu'ils avaient publiés, que ce soit par erreur ou sur le coup d'une réaction à chaud qu'ils regrettaient ensuite. Il n'y a pas de limite de temps après laquelle la parole serait gelée, ce qui permet parfois de revenir des mois ou des années en arrière pour supprimer ici une critique contre une entreprise susceptible de nous recruter, ou là des opinions que l'on ne souhaite plus assumer. La repentance et le droit à l'oubli sont inscrits dans l'ADN de Twitter, au point que même les retweets d'un message effacés disparaissent (à moins bien sûr d'en avoir simplement copié le contenu).
Mais tous les internautes doivent-ils bénéficier du même droit à l'oubli ou y a-t-il des individus dont la parole doit restée archivée et consultable ? La fondation néerlandaise Sunlight le pensait, et avait créé le script open-source Politwoops qui permet d'archiver automatiquement les tweets des responsables politiques listés par l'utilisateur, afin de conserver une copie de tous leurs messages, et de repérer ceux qui ont été supprimés, par exemple au gré des alliances nouvelles. L'application dit combien de temps un tweet est resté en ligne, et conserve une copie des liens insérés. Un site avait été créé spécialement pour les politiques néerlandais, mais il existait aussi un site pour la France et d'autres pays.
De fait, et c'était tout son objectif, Politwoops niait aux hommes et aux femmes politiques la possibilité d'avoir un droit à l'oubli sur Twitter, en raison de leur personnalité et de leurs responsabilités publiques qui rendent leur parole et leur conservation d'intérêt public. Quand la Cour de justice européenne a obligé Google à accorder un droit à l'oubli sur son moteur de recherche, elle l'a fait en précisant que les responsables politiques n'avaient pas en être bénéficiaires pour les informations qui ne concernaient pas leur seule vie privée.
"TERRIFIANT"
Mais trois ans après la création de Politwoops, Twitter a décidé de sévir. D'abord aux Etats-Unis avant l'été puis désormais partout dans le monde, Twitter a suspendu les droits d'accès à l'API de 30 sites nationaux qui utilisaient le script Politwoops. Ils étaient édités par la fondation Open State pour archiver les tweets des responsables politiques et de certaines ambassades, qui elles-mêmes pouvaient être tentées d'effacer quelques tweets que de nouvelles amitiés rendent obsolètes.
Alors que la fondation y voit une mesure de censure au profit des politiciens qui peuvent réécrire en partie l'histoire, Twitter y voit une mesure de salubrité. "Vous imaginez comme ce serait stressant, voire même terrifiant, si tweeter était quelque chose d'irrévocable ?", a demandé le réseau social. Pour Twitter, il n'y a pas d'exception à faire en fonction des personnalités. "Aucun utilisateur ne mérite plus qu'un autre cette possibilité. Effectivement supprimer un tweet est une expression du choix de l'utilisateur".
Les journalistes qui souhaitent conserver des traces des anciens tweets pourront toujours le faire, au besoin manuellement. En revanche, automatiser la recherche des tweets supprimés sera désormais beaucoup plus complexe qu'avant, Twitter ayant estimé qu'il s'agissait d'une violation de ses conditions d'utilisation de l'API.
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