La justice californienne a accepté le principe de l'ouverture d'une "class action" pour permettre aux chauffeurs UberX, Uber Black et Uber SUV de faire reconnaître leur statut d'employé, protégé par le droit du travail. 160 000 chauffeurs sont potentiellement recevables dans l'action de groupe qui menace la stratégie d'Uber.

Lorsque Uber a cédé en juillet fasse aux pressions judiciaires et médiatiques, et accepté de suspendre UberPOP en France, nous avions immédiatement fait remarquer que les seules véritables victimes à avoir pris le risque d'une suspension du service à la légalité douteuse étaient les chauffeurs dépourvus de la protection sociale accordée par le droit du travail. Tout le modèle économique d'Uber consiste en effet à "recruter" des chauffeurs, professionnels ou amateurs, qui officiellement ne travaillent pas pour Uber, mais à leur propre compte. Uber dit se contenter de mettre en relation les entrepreneurs indépendants ou les chauffeurs employés par d'autres sociétés avec des clients qui veulent se déplacer.

Mais c'est chez lui, en Californie, que le modèle d'Uber est désormais fortement menacé. Un juge de San Francisco vient en effet d'accorder le statut de "class action" à la plainte déposée par trois anciens chauffeurs d'Uber, qui revendiquent avoir été des employés de la société californienne. Les chauffeurs estiment qu'ils sont classés à tort comme "travailleurs indépendants", alors qu'ils étaient en réalité dépendants des commandes opérées via Uber, et des tarifs imposés par celui-ci. Ils estiment devoir bénéficier de certains "avantages" dus aux salariés, comme la prise en charge intégrale des frais d'essence, d'entretien du véhicule, ou le droit de percevoir les pourboires.

Le 3 juin dernier, dans une décision de première instance pour laquelle Uber a interjeté appel, le Commissaire au travail de Californie avait déjà jugé (.pdf) qu'une conductrice de Uber devait être traitée comme une employée et recevoir plus de 4150 dollars de remboursement de frais, en vertu des règles imposées par le droit du travail.

160 000 CHAUFFEURS CONCERNÉS

La plainte des trois chauffeurs ayant obtenu le statut de "class action", ce sont désormais 160 000 chauffeurs de Uber qui pourront demander à la justice que leur statut d'employé soit reconnu et que des droits leur soient par conséquent octroyés. Selon la décision du juge Edward M. Chen, tous les chauffeurs Uber Black, UberX et Uber SUV ayant opéré en Californie depuis le 16 août 2009 sont éligibles dans l'action de groupe, à condition toutefois qu'ils aient signé directement avec Uber, et non avec une société employant des chauffeurs affectés à Uber.

Par ailleurs seront écartés de la plainte tous ceux qui ont signé avec Uber après juin 2014, s'ils n'ont pas expressément écarté la clause d'arbitrage ajoutée à cette époque dans le contrat du service de VTC. Cette clause retire la compétence aux tribunaux pour traiter des litiges, en privilégiant une procédure d'arbitrage privé.

Uber a fait savoir qu'il allait "probablement faire appel" de la décision du juge Chen, même si à ce stade le statut d'employé des chauffeurs n'est pas encore reconnu. Ce sera à un jury de décider si la manière de fonctionner d'Uber impose de reconnaître aux cocontractants le bénéfice du statut d'employé, ou si véritablement ils sont "indépendants" et ne peuvent donc prétendre aux protections prévues par le droit du travail. Mais si le jury estime qu'ils sont employés, et si cette jurisprudence fait école dans la soixantaine d'autres pays où opère Uber, alors c'est tout le modèle économique de l'entreprise qui pourrait s'écrouler.

Jusqu'à ce que, bien sûr, il puisse faire appel à des robots qui n'auront ni le pouvoir ni l'envie ni le besoin de porter plainte pour se faire reconnaître des droits.

Découvrez les bonus

+ rapide, + pratique, + exclusif

Zéro publicité, fonctions avancées de lecture, articles résumés par l'I.A, contenus exclusifs et plus encore.

Découvrez les nombreux avantages de Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci

Il y a une bonne raison de ne pas s'abonner à

Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.

Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :

  • 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
  • 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
  • 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.

Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.

S'abonner à Numerama+

Vous voulez tout savoir sur la mobilité de demain, des voitures électriques aux VAE ? Abonnez-vous dès maintenant à notre newsletter Watt Else !