L'administration américaine chargée de la sécurité des médicaments, la Food and Drug Administration (FDA), a validé ce mois-ci la demande d'essai clinique d'un nouveau type de pilule qui permettra aux patients de ne plus oublier leur traitement. Wired nous apprend ainsi que le géant japonais de l'industrie pharmaceutique Otsuka produira des cachets de son antipsychotique Abilify (de l'aripiprazole) conçus spécialement pour que leur ingestion quotidienne soit détectée par des capteurs mis au point par la start-up californienne Proteus Digital Health.
Le médicament, utilisé dans les traitements contre la schizophrénie, la manie aiguë ou les troubles bipolaires, sera délivré sous une forme qui renferme des particules de magnésium et de cuivre. Lors de la digestion, l'effet des acides gastriques sur la pilule fait que les deux composants entrent en contact et génèrent un léger courant électrique qui peut être mesuré au niveau de l'estomac, par un patch à installer sur le ventre. C'est peu ou prou le même principe que celui développé par Motorola et Google pour identifier les utilisateurs à partir d'une signature électrique corporelle générée par une pilule.
Le patch est lui-même en communication avec le smartphone du patient, ce qui permet à l'application mobile conçue par Proteus Digital Health de vérifier le bon suivi du traitement, entre autres informations sur le nombre de pas effectués dans la journée, la pression sanguine, le poids, les périodes de repos, de sommeil, etc. Si le médicament n'est pas pris, l'application peut afficher une alerte, voire alerter le médecin si le patient a donné son accord (s'agissant d'un traitement donné aux personnes souffrant de paranoïa, il n'est pas indiqué de systématiser l'envoi d'informations à un tiers…). Et si le patient a lui-même un doute, il peut vérifier facilement s'il a bien pris sa pilule avant d'aller se coucher.
DES MENACES POUR LES LIBERTÉS ?
Encore en phase expérimentale, ce type de "médicaments communicants" pourrait rapidement s'imposer dans le cadre de la médecine personnalisée pour laquelle nous avions consacré une enquête inquiétante. Ils présentent de nombreux avantages qui sont autant de menaces potentielles pour la vie privée et la liberté. A titre d'exemple, les assurances qui reçoivent déjà des informations d'objets connectés tels que les Apple Watch pourraient proposer des primes plus intéressantes aux patients qui acceptent de vérifier que les traitements médicaux qu'ils doivent prendre (par exemple en fonction de leur ADN) sont parfaitement suivis. De même, la sécurité sociale pourrait conditionner le remboursement des traitements à leur prise effective, ce qui fut déjà le cas pour des dispositifs médicaux onéreux dont l'utilisation était télésurveillée.
Pour l'industrie pharmaceutique, le procédé a d'autres avantages et non des moindres. En l'espèce, l'Abilify utilise une molécule qui n'est plus couverte par un brevet, et qui peut donc donner lieu à la commercialisation de médicaments génériques. Mais le dosage de magnésium et de cuivre qui génère la signature électronique unique de la pilule reste une propriété intellectuelle du laboratoire. Si le patient utilise un médicament d'une autre marque, il ne sera pas reconnu par l'application. C'est donc une manière indirecte de contrôler le marché, ou à tout le moins de s'assurer de la fidélité du patient.
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