Nous indiquions lundi que SpiralFrog avait renvoyé son directeur Robin Kent avant même le lancement du site. En réalité, c’est tout SpiralFrog qui semble fermer ses portes et ainsi laver l’erreur stratégique d’Universal.

Les observateurs du monde entier et les professionnels de la musique n’en revenaient pas lorsque, sortie de nulle part, une start-up du nom de SpiralFrog annonça cet été la signature d’un accord avec Universal Music pour proposer gratuitement en téléchargement l’ensemble de son catalogue. C’est avec des yeux éberlués que l’on découvrait que la gratuité pour la musique en ligne n’était plus un gros mot dans la bouche de la plus grande des maisons de disques du monde. C’était comme une faille spatio-temporelle, comme une anomalie incompréhensible survenue au moment où la France sortait d’un violent combat qui avait fait dénoncer à son ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres « l’illusion de la gratuité ». C’était un avoeu d’échec et un pas en avant fantastique vers la licence globale que l’hexagone venait de rejeter avec vigueur.

Qu’était-il donc bien passé par la tête d’Universal ? Sans jamais commenter l’accord, on comprenait très vite que la première des majors se mordait les doigts d’avoir été trop vite vers les modèles publicitaires. D’autres l’ont suivi, comme EMI, mais en Chine. Si EMI a signé avec SpiralFrog aux Etats-Unis, c’est uniquement pour sa filiale édition et donc les droits sur les mélodies et les paroles des chansons, et non sur les enregistrements.

Aussi c’est peut-être avec un grand soulagement que l’industrie du disque apprend l’état comateux de la grenouille SpiralFrog, avant même que le site n’ouvre ses portes. Le PDG a été renvoyé au lendemain de Noël sans motif officiel et sans remplacement. Et CNet nous apprend que au moins six autres cadres exécutifs de SpiralFrog et trois membres du conseil d’administration ont quitté la société ces derniers jours. Plus personne ne répond et les bureaux semblent désertés. Tout porte à croire que SpiralFrog est mort avant même ses débuts.

Une mort orchestrée pour écarter le spectre de la licence globale ?

« Ce serait partie gagnée pour Universal si le modèle publicitaire se révèle viable. Mais rien n’est moins sûr », avions-nous écrit à propos de SpiralFrog lors de l’annonce de l’accord surprise. « Les clips, émissions et séries TV s’accomodent facilement de la publicité sur Internet. Le format visuel permet l’insertion des publicités sans rupture dans les habitudes de consommation. Ces trois formats ont toujours vécu grâce à (et pour) la publicité, et le public l’a parfaitement intégré », continuions-nous avant de demander : « le format publicitaire est-il aussi naturel pour la musique ? Il n’est certain ni que la publicité trouve sa rentabilité dans des chansons écoutées en fond sonore, ni surtout que le public les accepte plutôt que de leur préférer le P2P et des fichiers sans DRM ».

Finalement, nous avions eu cette conclusion : « En cas d’échec de SpiralFrog à trouver l’équilibre financier et à satisfaire les demandes d’Universal, c’est toute l’industrie du disque qui pourrait être contrainte de songer à nouveau à la licence globale ».

Il est certainement salutaire pour Universal et toute l’industrie du disque que l’échec se soit produit avant même que l’expérience ne soit tentée. Est-ce parce que les autres majors l’ont vite réalisé que SpiralFrog ne verra jamais le jour ?

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