Robert Iger, actuel PDG de Walt Disney, déclarait il y a peu dans un interview accordé au Financial Times que « depuis plusieurs décennies dans les médias, quand une plateforme apparaît, l’ancienne se sent menacée, ce qui est source de tensions ». « Un bon exemple serait de prendre ce qui s’est passé quand la télévision arriva dans les années 50, et que les compagnies cinématographiques, comme Walt Disney, décidèrent de montrer leur contenu, leurs films et leurs spectacles télévisés, à la télévison », raconte-t-il. « Ceci eu pour effet d’inquiéter les propriétaires de salles de cinéma qui se sentirent menacés. Et ça s’est passé ainsi à toutes les époques dans notre industrie ».
« La nouvelle plateforme n’apparaît pas simplement parce que quelqu’un crée la technologie, elle émerge parce que les consommateurs se l’approprient, et l’utilisent de plus en plus pour consommer du média », ajoute Bob Iger, qui estime que « si l’industrie du cinéma avait décidé d’ignorer la télé, et de ne pas créer de contenu pour elle, ni d’y montrer celui qu’elle avait crée pour les salles de cinéma, quelqu’un d’autre aurait comblé ce vide ». La même chose est vraie aujourd’hui, « si nous ne mettons pas nos contenus sur les nouvelles plateformes ainsi appropriées, d’autres entités s’en chargeront en créant eux-mêmes ce contenu », termine-t-il.
Un regard lucide qui se révèle payant. En effet, la firme américaine annonce 1,3 millions de films vendus en 3 mois sur iTunes, sur lequel Disney est la seule avec désormais Paramount, à proposer un contenu payant. On ne s’étonnera donc pas de voir Iger afficher un enthousiasme sans bornes concernant le potentiel de ce genre de services. Et ce n’est pas le risque de voir la vente de DVD chuter qui l’en ferait démordre, puisque Pirates des Caraïbes, qui fut l’un des films de Disney les plus téléchargés sur iTunes lors de sa sortie, affiche des chiffres de ventes en DVD qui ont dépassé ses espérances.
Un succès sur iTunes en réalité très relatif
1,3 millions de ventes sur iTunes pèse relativement peu si l’on prend les seules recettes issues du câble qu’engrange le groupe, et qui s’élève, selon Le Figaro, à 6,5 milliards de dollars. Et lorsque l’on prend les 4,5 millions de torrents téléchargés par jour sur The Pirate Bay, les ventes de Walt Disney sur iTunes deviennent presque ridicules. Mais y a t-il vraiment un sens à comparer les chiffres de téléchargement payant à ceux du gratuit ? Et bien oui, car Walt Disney n’est pas en reste concernant la gratuité sur Internet, en étant le premier grand studio à avoir diffusé gratuitement en streaming quatre de ses séries sur Internet, jouant ainsi sur les deux terrains à la fois : l’Internet gratuit (et publicitaire), et l’Internet payant.
Walt Disney croit fort au potentiel des sites dont le contenu est généré par l’utilisateur. Et Iger reprend volontiers l’exemple des cassettes vidéo faites maisons qu’il ramenait du Japon pour la BBC, et qui devinrent d’après lui les home vidéo les plus poilantes de l’Amérique (sympa pour les japonnais). Il y voit comme les prémices de ce qu’il se passe maintenant avec YouTube, regrettant même de ne pas avoir perçu plus tôt le potentiel de ces sites. C’est peut être à mettre en rapport avec sa volonté de travailler de manière excentrée en produisant de multiples contenus locaux, plutôt que d’imposer les mêmes contenus « centraux » au monde entier. Bref, loin de craindre l’hostilité anti-américaine contre laquelle il brandit de manière un peu utopique le bouclier que constitue l’emblématique nom de Walt Disney (et qui pourtant en est l’un des symboles majeur), Iger redéfinie sa propre conception de la mondialisation. Une mondialisation qui ne va pas d’un centre au tout, mais de centres vers le tout.
Pourtant, quelque chose laisse présager que nous n’avons pas fini de voir des écoliers aux quatre coins du monde sortir la même trousse Mickey de leur cartable. « Je prévois que l’accès aux medias via Internet sera la première expérience qu’auront nos enfants en grandissant » conclut le PDG.
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