Alors que les fabricants d’appareils photo numériques augmentent sans cesse les capacités de leurs produits, certains experts commencent à mettre en doute la course folle aux pixels qui s’est engagée depuis plusieurs années. Dave Etchells, du site Imaging Ressource fait partie ces sceptiques. Selon lui, augmenter le nombre de pixels n’améliorerait pas forcément le rendu des images obtenues, mais pourrait au contraire, lorsque celle-ci est trop poussée, augmenter « le bruit d’image », c’est à dire les défauts parasites dégradant la qualité de l’image.
Certes, augmenter le niveau de détail permet de sortir des impressions plus grandes, ou encore de se concentrer sur des détails spécifiques. C’est ce que met en avant l’industrie pour répondre aux critiques de ces experts. Mais comme le remarque CNET News, il y a un prix à tout cela : les composants des appareils photo ont plus de données à digérer, le traitement de l’image prend plus de mémoire et de temps pour le PC qui les gère, et les cartes mémoire et disques durs se remplissent plus vite. Si la plupart des photographes avaient déjà conscience de ce facteur, vient s’y greffer un détail plus subtil que mettent en avant les experts. Les capteurs s’agrandissent rarement d’une génération d’appareils à l’autre. Augmenter le nombre de pixels d’une prise signifie donc que chaque capteur aura à gérer des pixels plus petits, et perdra un peu plus de lumière de la sorte. Cette légère différence entraînerait un manque de sensiblité des capteurs pour se déclencher, rendant plus difficile la distinction pour l’appareil entre le signal produit par la lumière et les parasites électroniques dans le capteur. Les images pourraient souffrir de tâches de couleur, de bords approximatifs, et les appareils ne fonctionneraient pas aussi bien dans les espaces mal éclairés.
Quelle serait donc la taille optimale ?
Selon Chris MacAskill, superviseur du site d’hébergement de photos SmugMug, le terme megapixel serait avant tout une opération marketing, qui n’empêcherait pas les problèmes de survenir dès lors qu’on dépasserait 6 megapixels : « Un tirage sur un million pourrait profiter d’un niveau de détail supérieur à 6 megapixels, mais tous les tirages en intérieur gagneraient dans la réduction de ce nombre » prétend-il. « Nous avons passé les années où le nombre de megapixels faisait la différence. Sur les 3 millions d’impressions que nous avons réalisées pour des regards exigeants, aucune ne fut jamais retournée pour manque de pixels. »
Pourtant, les industriels fuient le problème. Si Canon dénie catégoriquement toute perte de qualité, Smith Clemens, d’Olympus Imaging, assure que les fabricants veillent à améliorer le traitement de l’image pour que la photo reste bonne même si le bruit d’image augmente dans un capteur. Mais selon Jeff Keller, qui n’hésite d’ailleurs pas à conseiller sur son site des modèles 8 Megapixels au détriment des 10 Megapixels, l’augmentation de cette capacité finirait souvent par brouiller la gestion du bruit intégrée aux appareils mêmes.
Les fabricants de capteurs viseraient donc actuellement à réduire ce bruit en réduisant la taille des composants électroniques de sorte qu’une plus grande place dans les capteurs puisse être accordée à la captation de lumière.
La faute aux consommateurs ?
Si les industriels ne se sont pas d’abord attaqués au problème avant de chercher à augmenter le nombre de pixels, c’est avant tout pour se concentrer sur l’effet magique que le terme engendra dans l’esprit des consommateurs. Mais c’est peut être aussi la faute aux industriels, nous direz-vous, qui jouent le jeu en profitant bien du fait que la plupart des acheteurs, à défaut d’avoir une connaissance experte de la photographie, prennent les megapixels pour mesure de qualité, comme le nombre de megahertz pour les micro-processeurs.
Certains fabricants ont pourtant bien tenté d’améliorer la qualité de leurs appareils, non pas en en augmentant le nombre de pixels, mais le nombre de capteurs par pixels. C’est le cas de Fujifilm qui lança sur le marché des appareils où deux capteurs étaient affectés par pixel. Cette opération passa complètement inaperçue, c’est pour dire le poids que possède cette unité dans la conscience collective. C’est ce qui pousse d’ailleurs Richard Campbell, le vice président de cette entreprise, à espérer une meilleure compréhension du consommateur à l’avenir, qui se détacherait de plus en plus de la capacité en pixels, même si celle-ci reste néanmoins un critère valide de choix, pour s’attacher plus aux options que proposeraient les appareils. « Les consommateurs se rendent compte que la qualité de l’objectif, du processeur, et les technologies de stabilisation d’image sont au moins aussi importantes que le nombre de pixels pour la qualité d’image. »
Il ne faut pourtant pas croire que la course aux pixels s’arrêtera pour autant. Crotty, un analyste d’iSuppli prévoit que si la moyenne des appareils numériques était de 5,7 megapixels en 2006, elle passera à 6,5 cette année et à 9,2 en 2010.
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