2010 sera l’année où 80% des français seront équipés d’un micro-ordinateur et auront accès à Internet. C’est l’objectif que se fixe Renaissance Numérique dans le « livre blanc » qu’il vient de publier. Pour cela, le groupe, en se refusant à tout utopisme, propose 15 mesures aux candidats afin de réduire l’écart entre « inforiches » et « infopauvres », pour reprendre l’expression du théoricien Joseph Nye.
La première de ses mesures est la « donation directe » des PCs usagés par les entreprises à leurs salariés. Selon Renaissance Numérique, les entreprises renouvellent leur parc informatique tous les deux à trois ans, mais préfèrent la plupart du temps se débarrasser de leurs anciens modèles plutôt que de les donner à leurs employés. La mesure consisterait donc ici à faciliter cette opération pour éviter que les entreprises rechignent à faire une donation, plus compliquée à mettre en place d’un point de vue comptable.
La deuxième mesure se veut à la fois pragmatique et écologique. Il s’agirait de promouvoir des PCs « recyclés » à 99 euros. Selon le groupe d’experts, la moitié des PCs jetés pourraient être ré-utilisés après reconditionnement. Favoriser ce genre d’initiative permettrait donc éviter un gaspillage non négligeable.
Posséder un micro-ordinateur à domicile
S’appuyant sur l’effet bénéfique supposé de la possession d’un micro-ordinateur à domicile sur la productivité au travail, Renaissance Numérique estime que les entreprises auraient tout à y gagner si l’Etat favorisait cette acquisition. Pour cela, l’association évoque le modèle suèdois où l’achat d’un micro-ordinateur peut faire l’objet d’une réduction d’impôts.
Le groupe veut même aller plus loin que l’opération « Un PC portable à 1 € par jour » menée auprès des étudiants, en demandant que le gouvernement subventionne un micro-ordinateur aux 100.000 les plus démunis d’entre eux. Une infime partie certes, mais celle qui souffre peut être le plus cruellement de ce manque.
Il est pourtant illusoire de croire que la technologie pourrait mettre tout le monde sur un pied d’égalité. En effet, la maîtrise du réseau n’est pas acquise d’emblée et est souvent détenue par ceux qui, en dehors du lieu de travail, y ont déjà accès. Renaissance Numérique, qui a conscience de cet obstacle, propose pour y palier les trois mesures suivantes :
– Systématiser le Passeport Internet via la formation professionnelle, l’ANPE, et au sein des associations.
– Favoriser l’acquisition et l’appropriation des nouvelles technologies chez les très petites entreprises (TPE).
– Permettre l’échange de RTT contre des formations aux nouvelles technologies.
Abattre les obstacles
Mais rien ne sert de favoriser l’obtention du matériel et l’apprentissage de son utilisation si l’on ne combat pas ses écueils. C’est dans cette optique que Renaissance Numérique appelle à une plus grande accessibilité d’Internet aux personnes handicapées (notamment les malvoyants), et vise même au delà en encourageant les sites à une plus grande lisibilité qui pourrait profiter à un plus large nombre.
Il est aussi question de vaincre les freins psychologiques en mettant en place des campagnes de sensibilisation des non-utilisateurs (notamment les retraités) et de favoriser les partenariats public/privé pour porter Internet dans les zones jugées non rentables par l’offre privée.
Toujours pour favoriser une meilleure égalité d’accès, Renaissance Numérique enjoint aussi le gouvernement à multiplier les bornes Internet dans les lieux publics, et soutenir les projets visant à apporter Internet au sein des populations défavorisées.
Internet ne résout pas tout
Dans sa volonté d’effacer la fracture numérique, les intentions de Renaissance Numérique apparaissent on ne peut plus louables. Et pour cause, Internet, devenu l’injonction des temps modernes en terme d’équipement, ne peut éveiller la moindre opposition. S’opposer à Internet, c’est risquer de passer pour une personne qui n’est pas capable de s’adapter à son temps. Il faut s’équiper d’Internet, car Internet c’est moderne, et le refuser ne ferait qu’afficher une attitude rétrograde.
Pourtant, comme le souligne Bruno Ollivier dans son ouvrage « Internet, multimédia : ça change quoi, dans la réalité ? », les écoles allemandes commencent majoritairement à s’en déséquiper après une période expérimentale, tant les effets obtenus par rapport aux prix payés ont été défavorables. Un fait que l’on peut aussi rapprocher des bannissements de certaines utilisations de l’Internet au sein des entreprises, comme l’e-mail, dont nombre d’acteurs constatent avec amertume la perte de temps considérable pour la productivité des employés. Ollivier souligne d’autre part que si l’on parle en France d’un retard d’équipement, les autres pays semblent se plaindre des mêmes maux. Dans ce contexte, retard par rapport à qui ? Par rapport à quoi ?
Si Internet constitue aujourd’hui un outil devenu presque incontournable, Ollivier rappelle que « l’histoire des techniques invite à une grande humilité quant aux usages qui pourront être faits des technologies de communication, car il semble qu’une chose soit oubliée dans ces discours sur la modernité : l’importance de l’appropriation sociale et individuelle des technologies« .
Renaissance Numérique a bien fait de souligner les bienfaits d’Internet, mais les membres du groupe se doivent de garder à l’esprit le fait que leurs rapports rapprochés avec le réseau dans leur travail quotidien ne peuvent que les faire considérer la chose sous un aspect avantageux. Or est il certain qu’un accès à Internet contribuerait à réduire les inégalités entre deux élèves aux capacités financières différentes, ou à donner un coup de fouet au commerce du marchand de légumes du quartier ? Rien n’est moins sûr…
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