L’information que nous révélions la semaine dernière concernant l’affaire Techland / Logistep est vérifiée. Les fournisseurs d’accès Neuf Cegetel, Orange, Télé2 et Alice ont résisté au n’importe-quoi judiciaire et obtenu l’annulation de l’ordonnance qui avait permis à l’éditeur Techland de menacer à la limite du chantage des centaines d’internautes français.

C’est donc confirmé. Comme nous le rapportions la semaine dernière sans pouvoir en apporter la preuve, le tribunal de grande instance de Paris a effectivement annulé les ordonnances qui avaient été accordées à l’avocate de l’éditeur de jeux vidéo polonais Techland. Pour mémoire, celles-ci faisaient obligation aux fournisseurs d’accès à Internet de délivrer à l’avocate les noms et adresses des internautes titulaires des adresses IP figurant sur des relevés d’infraction réalisés à l’étranger par la société d’anti-piratage Logistep. Plusieurs fournisseurs d’accès à Internet, à commencer par Free, avaient obtempérer à la demande sans s’y opposer, malgré l’absence d’autorisation de la CNIL pour la collecte des adresses IP.

Mais quatre fournisseurs d’accès se sont rebellés (Neuf Cegetel, France Télécom, Télé2 et Telecom Italia / Alice), et ont obtenu pour ce qui les concerne la rétractation de l’ordonnance. L’Association des Fournisseurs d’Accès et des Services Internet (AFA) s’était jointe à l’action sur une base volontaire, pour appuyer la demande de ses membres.

Par une décision du 25 juin 2007, le TGI de Paris a constaté notamment que l’autorisation de la CNIL exigée par la loi du 6 janvier 1978 n’avait pas été demandée, pas plus qu’à son homologue polonaise. La CNIL l’a confirmé par courrier du 11 mai 2007. Or, note le tribunal en reprenant l’argumentation des FAI, « cette législation et son respect s’impose de toute manière aux fournisseurs d’accès qui, bien que tiers au litige, sont donc fondés à vouloir se protéger de tout reproche qui pourrait leur être fait à cet égard« . Sous-entendu, les fournisseurs d’accès comme Free qui n’ont pas veillé au respect de la protection de la vie privée de leurs abonnés en contestant l’ordonnance pourraient se voir reprochés cette négligence dans une éventuelle action judiciaire portée par l’une des victimes de l’affaire Techland.

Par ailleurs on notera dans la décision du tribunal que celui-ci a rejoint les arguments des FAI selon lesquels une action fondée sur l’article 336-1 du code de la propriété intellectuelle (qui peut imposer un filtrage des réseaux P2P lorsque des violations au droit d’auteur sont constatées) était préférable à une action en identification des abonnés.

Une plainte contre Free ?

Concrètement, cette décision permet d’annuler toutes les procédures intentées par Me Martin et ses clients contre les internautes identifiés suite aux ordonnances annulées. Ceci ne concerne cependant que les abonnés de Alice, Neuf et Orange. Sauf à ce qu’une action ait été intentée par ailleurs, les abonnés des autres fournisseurs d’accès devront contester eux-mêmes la validité du relevé, et trouveront là une base solide devant les tribunaux.

Cette décision ouvre également la perspective d’une plainte pénale contre Techland, Logistep et Me Martin, voire même contre les FAI qui n’ont pas contesté la demande et pourraient être accusés de complicité dans la violation des obligations imposées par la loi informatique et libertés. Comme l’ont noté eux-mêmes les opposants à propos de l’ordonnance contestée, « la mesure ordonnée amène [les fournisseurs d’accès] à participer à la commission d’actes délictueux , ce qui est susceptible d’engager leur propre responsabilité pénale« .

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