C’est la rentrée pour les séries TV qui débutent actuellement leur nouvelle saison. C’est aussi la rentrée pour les studios qui confirment cette année leur intention d’exploiter Internet pour diffuser eux-mêmes gratuitement leurs séries TV les plus populaires… et menacer à terme l’exception culturelle française.

Prison BreakLa diffusion des séries TV sur Internet revient rapidement aux fondamentaux. Après avoir songé pendant un temps à vendre leurs séries en téléchargement, les studios misent à nouveau sur la publicité, un modèle éprouvé par la télévision traditionnelle. Tous se pressent désormais de mettre leurs productions accessibles gratuitement en ligne, afin de capter l’audience et de vendre au plus cher les espaces qu’ils loueront aux annonceurs. C’est ainsi que la chaîne du groupe Disney ABC propose déjà ses séries les plus populaires (Desperate Housewives, Grey’s Anatomy, Lost…) sur Internet, tout comme NBC (Urgences, Heroes, Scrubs, The Apprentice…) ou CBS (Les Experts, Jericho, NCIS, Numb3rs). La Fox compte également diffuser gratuitement certaines de ses plus grandes productions, comme Bones ou Prison Break.

Grey's AnatomyTous misent à terme sur la publicité ciblée, qui permettra de proposer moins de publicité aux spectateurs que sur la télévision traditionelle, mais une publicité ciblée et interactive, qui intéresse directement le spectacteur qui se trouve derrière son écran. Vendus plus chers parce que plus performants, ces nouvelles publicités permettront de financer davantage de séries, qui seront rentables à un seuil de popularité beaucoup plus bas qu’actuellement.
Même Apple, hostile aux flexibilités des modèles éconnomiques, semble s’y mettre. Alors que les rumeurs prêtaient l’an dernier à Apple l’intention de placer des Google Ads dans iTunes pour proposer des contenus gratuits, la Fox annonce que les épisodes de ses séries seront disponibles gratuitement sur iTunes deux semaines après leur diffusion TV, pendant une semaine. Une coïncidence ? C’est en tout cas le signe qu’Apple est prêt à passer lui aussi à la gratuité, pour le plus grand bonheur des spectacteurs et des studios. Tous les signaux semblent au vert.

En tout cas, aux Etats-Unis, puisque ces services sont réservés aux internautes américains.

Quid de la télévision française ?

Aux Etats-Unis, la transition de la télévision vers l’internet gratuit est relativement simple. Les plus grands producteurs de séries TV sont les diffuseurs eux-mêmes. La Fox, NBC, ABC ou CBS sont tous producteurs et diffuseurs de leurs contenus. Ces « networks » peuvent miser sur leur marque et sur la qualité de leurs contenus pour rediriger les spectacteurs vers les sites internet officiels et capter l’audience qu’ils vendent aux annonceurs.

En France, TF1 n’a pas cette chance, avec une production faible en contenus propres et contestée en qualité, comme en attestent le flop de Mystères et le fiasco de L’Hôpital (proposés gratuitement sur Internet). France Télévisions, Canal + et M6 ne comptent pas non plus de gros succès populaires produits en internes ; toutes les chaînes françaises reposent essentiellement sur des productions externes et bien souvent américaines. Il n’y a qu’à voir les succès des séries américaines sur les chaînes françaises pour comprendre la dépendance des chaînes françaises aux contenus d’outre-Atlantique.

Or, à terme, que restera-t-il aux chaînes de télévisions françaises si elles n’ont pas de contenu populaire à proposer aux internautes français ? Récemment, TF1 annonçait la mise à disposition payante de Heroes en version originale sous-titrée dès le lendemain de sa diffusion aux USA, bien avant sa diffusion sur la première chaîne française. Que restera-t-il à TF1 si NBC décide demain de proposer elle-même aux Français une version gratuite sous-titrée de sa série phare ? Pour le moment, les contrats d’exclusivité régionale l’interdisent. Mais dans 2, 5 ou 10 ans ?

On le voit avec les succès des séries comme Heroes, Jericho ou Dexter, les séries TV d’aujourd’hui n’ont plus besoin des chaînes de télévision nationales pour être connues et reconnues hors des Etats-Unis. C’est même de plus en plus leur succès « pirate » qui décide les chaînes françaises à acquérir les droits de diffusion. Or si les chaînes nationales ne sont plus indispensables aux studios américains pour jouer le rôle de promoteur, il n’y a pas long avant que les grands networks se passent totalement des chaînes françaises et étrangères.

Plus qu’une question économique, c’est aussi une véritable question de politique culturelle et de protection de l’exception culturelle française qui se pose actuellement.

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