Comme nous le notions récemment, Radiohead a vendu en seulement 3 jours 1,3 millions d’albums en téléchargement sur son site, sans l’intermédiaire d’une maison de disques ou d’une plateforme, en laissant l’internaute fixer lui-même le prix du téléchargement. A la vue des premiers résultats, quels enseignements peut-on tirer de cette première expérience du genre ?

C’était une première au monde. Le 10 octobre, le groupe Radiohead a mis en vente sur son site internet son dernier album, In Rainbows, sans qu’il soit produit par une maison de disques ou vendu par un intermédiaire. Directement de l’artiste à l’auditeur. Avec, pour ces derniers, la liberté de fixer eux-mêmes le prix qu’ils souhaitent investir dans l’achat de la version téléchargée de l’album.

En trois jours, Radiohead avait déjà vendu 1,3 millions d’albums. D’après les premiers échos, la moyenne du paiement aurait été de 4 livres sterling (6 euros), mais le chiffre semble être ensuite tombé à 2,5 livres après que les premiers fans aient passé commande. Une majorité d’internautes auraient décidé de ne rien payer, mais la moyenne est compensée par ceux qui ont payé plus de 4 ⣠leur téléchargement.

Avec une moyenne pessimiste de 3 euros par album vendu, c’est tout de même près de 4 millions d’euros que le groupe a gagné en quelques jours en rendant son album disponible sur Internet. Avec un contrat de production classique chez une maison de disques qui prévoit autour de 10 % de reversement de royalties, et un CD vendu en moyenne 16 euros, Radiohead aurait dû vendre 2,5 millions d’albums pour gagner l’équivalent. Leur précédent album, Hail to the Thief, s’était écoulé à 300.000 exemplaires la première semaine. Economiquement, Radiohead a donc parfaitement réussi son opération.

Même la gratuité légale n’enterre pas The Pirate Bay ou Mininova

Mais il y a d’autres enseignements à tirer de leur expérience. En particulier, on remarquera que l’album de Radiohead, alors qu’il peut être téléchargé gratuitement sur le site officiel, a connu aussi un immense succès sur les réseaux P2P. D’après l’institut Big Champagne, le jour même de la sortie de In Rainbows, l’album a été téléchargé 240.000 fois sur les sites de liens BitTorrent, avec ensuite environ 100.000 téléchargements supplémentaires par jour. Sans doute le nombre de téléchargements illégaux est-il déjà supérieur au nombre de téléchargements officiels, ce qui est le lot commun de tous les albums aujourd’hui disponibles dans le commerce.

Cette anecdote est particulièrement intéressante, puisqu’elle montre que rien, pas même la gratuité, ne peut anéantir les sites de liens BitTorrent sur lesquels de très nombreux internautes sont habitués à télécharger. A moins de continuer à rêver la fermeture générale de tous les sites de liens P2P, l’industrie du disque devra apprendre à composer avec eux et même, voire, collaborer pour profiter de leur succès populaire. Radiohead aurait-il vendu plus d’albums encore si Mininova ou The Pirate Bay avaient proposé à leurs visiteurs de donner au groupe une somme de leur choix ?

En outre, alors que le hit-parade officiel de ventes ne fait pas figurer Radiohead (car il est sorti du circuit traditionnel et n’est plus élibigle au top 50), Last.fm nous informe que les morceaux de l’album In Rainbows sont tous simplement les titres qui ont été le plus écoutés par les internautes la semaine dernière, toutes musiques confondues.

Enfin, il faut rappeler que si Radiohead est parvenu à vendre 1,3 millions d’albums en quelques jours sans l’aide d’un seul intermédiaire, c’est avant tout parce qu’une major (EMI) avait produit et fait la promotion auparavant de 6 albums de Radiohead. Sans doute de nombreux groupes popularisés par le circuit traditionnel des majors pourront suivre le mouvement et remercier les maisons de disques pour achever seuls leur carrière. Mais à moyen ou long terme, si les maisons de disques perdent ces « vaches à lait » qui leur permettent d’investir dans de nouveaux talents, elles ne pourront plus produire les stars de demain qui auraient été amenées à prendre elles-aussi leur indépendance.

Selon le point de vue, ce peut être soit une catastrophe pour la production musicale, soit plus simplement la fin du « star system » qui avait débuté dans les années 1930 avec l’association des labels et des radios. Il n’y aura peut-être plus dans les prochaines années de méga-stars internationales capables de vendre des millions de disques, mais peut-être grâce à des réseaux sociaux comme Last.fm qui permettent de former des niches d’auditeurs, beaucoup plus de groupes indépendants capables de vendre des dizaines de milliers d’albums en toute liberté.

C’est sans doute, paradoxalement, la principale leçon à tirer de l’immense succès de Radiohead.

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