Devant les caméras de la BBC confortablement installées dans la voiture de police, le décor est planté : un homme, un britannique de 24 ans, arrêté à Middlesbrough par les hommes en jaune de sa Majesté la Reine. Interpol. Des serveurs saisis aux Pays-Bas par les forces de police d’Amsterdam. Menottes au poignets, l’homme est emmené pour être interrogé dans les sous-sols du commissariat. Il ne manque que l’arme à feu pour compléter le tableau.
Les menottes en témoignent, l’homme est dangereux et représente une menace directe pour la population locale et les autorités venues l’arrêter. Son crime ? Avoir mis en ligne et administré un site, OiNK.cd, décrit par la Fédération Internationale de l’Industrie Phonographique (IFPI) comme la plus grande source mondiale d’albums en pre-releases. « OiNK était spécialisé dans la distribution d’albums qui ont fuité sur Internet, souvent des semaines avant leur date de sortie officielle. Plus de 60 albums majeurs ont été diffusés sur OiNK jusqu’à présent cette année« , rapporte l’IFPI.
La presse s’en fait largement l’écho. Le tableau est tellement parfait. Contrairement aux sites comme Mininova ou The Pirate Bay, OiNK fonctionne comme un club privé qui nécessite d’abord de recevoir une invitation. Une sorte de confrérie secrète dédiée au piratage. On n’hésite pas, même, à écrire que pour pouvoir télécharger sur OiNK, « il fallait ensuite verser des » donations » au créateur du site, afin de pouvoir télécharger les morceaux proposés« . Nous sommes là face à un groupe de 180.000 pirates qui font en secret commerce de la diffusion d’albums avant leur sortie dans les bacs. Tout se prête au fantasme, à commencer par la nature des fichiers échangés. Comment cette confrérie de l’ombre parvient-elle à mettre la main sur des dizaines d’albums qui n’ont même pas été envoyés à la duplication ?
En réalité, aucun paiement n’était obligatoire. Comme plusieurs autres communautés de liens, l’administrateur proposait simplement aux membres qui le souhaitaient de verser une PAF (participation aux frais) via un compte PayPal. Beaucoup le faisaient, par solidarité et par envie de voir cette communauté continuer à exister.
« Ca n’était pas une affaire d’amis en train de partager de la musique pour le plaisir« , déclare à la presse Jemery Banks, le responsable anti-piratage de l’IFPI.
Et si, en fait, ça n’était malgré tout que cela ?
Si l’arrestation et la fermeture du site ne sont évidemment pas contestables dans leur principe, fallait-il vraiment que la presse relaye de cette manière la caricature orchestrée et montre sans recul cette paire de menottes accrochées aux bras d’un homme sans visage ?
Lorsque l’on se rend sur le site Oink.cd, un message avertit que « le site a été fermé à la suite d’une investigation criminelle par l’IFPI, la BPI, la police de Cleveland et l’Unité d’Investigation Fiscale de la Police Néerlandaise (FIOD ECD) pour distribution de musique présumée illégale« . Il avertit ensuite les habitués : « Une enquête criminelle est en cours pour déterminer les identités et les activités des utilisateurs du site« . La tactique de la terrorisation des utilisateurs est bien connue. Elle avait déjà été employée, sans conséquence, pour Lokitorrent. Il s’agit en réalité uniquement de faire peur et de marquer le coup, ce qui n’a jamais véritablement fonctionné. Reste tout de même une question en suspend : comment l’IFPI et la BPI (British Phonographic Industry) qui sont deux entités privées, ont-elles pu mettre la main avant tout jugement sur le nom de domaine Oink.cd ? |
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