De la création musicale à la distribution des oeuvres, tout aujourd’hui semble réalisable avec un simple ordinateur connecté à Internet. Ce danger pour les maisons de disques pourrait bien être accentué avec l’apparition de services de postproduction collaboratifs en ligne, à l’image du service français Songcooker. Explications.

Songcooker

Voici un petit nouveau qui annonce de grandes choses pour la post-production musicale, l’un des derniers bastions des maisons de disques. Pour un musicien, il est aujourd’hui relativement aisé et peu coûteux de s’engistrer soi-même avec un home studio, de diffuser sa musique sur Internet et de profiter des services « web 2.0 » et du P2P pour déléguer une bonne partie de la promotion et de la distribution de ses chansons aux internautes eux-mêmes. Dans ce contexte, et vu les difficultés croissantes à vendre des disques et le peu d’argent qu’ils rapportent, le rôle des maisons de disques s’effrite à grande vitesse.

Songcooker (voir démo ci-dessous) va encore donner un coup de pieds au derrière de labels au bord du précipice. Né dans les fourneaux d’une société française jusque là connue des professionnels de la production, le service grand public permet aux ingénieurs du son en herbe de remasteriser n’importe quelle chanson, même enregistrée en mono. Impressionnante, la technologie permet de séparer dans un même morceau les différents instruments, de façon à pouvoir « jouer » avec chaque piste virtuelle pour déplacer ici un piano, atténuer là une guitare ou réhausser le chant d’une chanteuse. Il est même possible de supprimer totalement un instrument ou de ne l’entendre qu’à sa droite.

Basé sur la technologie employée pour La Môme

« MIST a développé depuis 2004 une technologie révolutionnaire qui permet de recréer un multipiste à partir d’un enregistrement mono. Cette technologie a notamment été utilisée pour produire des versions  » son cinéma  » d’une dizaine de chansons d’Edith Piaf pour le film  » La Môme  » d’Olivier Dahan« , nous explique Ludovic Pénet, le directeur technique et chef du projet SongCooker chez MIST. Déjà utilisée par les pros qui y voient un avantage évident, la technologie n’était jusque là pas accessible au grand public. Il restait à inventer une application suffisamment intuitive et efficace, qui réalise les bons compromis entre résultat final et simplicité d’approche.

« On s’est rendu compte en interne que le jeu avec les pistes séparées est très ludique et addictif. On aime vraiment bien s’approprier ses chansons préférées pour les rendre un peu plus à soi. On a donc décidé de développer un produit le plus simple possible, afin de permettre au plus grand nombre de personnes de s’amuser avec la musique. On a décidé dans cet esprit de s’écarter des canons des produits habituels de traitement de l’audio« , explique Ludovic Pénet. « On a voulu que l’aspect collaboratif soit d’emblée présent. Il est en effet possible de préparer des versions modifiées non seulement des recettes préparées par MIST Technologies, mais également de celles préparées par les autres internautes« . Très vite, une « généalogie » des recettes sera proposée, qui permettra de voir qui a fait quoi, dans l’esprit des logiciels libres.

Pour le moment limité à des enregistrements d’avant 1956

Actuellement, la version bêta proposée par Songcooker se limite malheureusement à l’édition de quelques chansons sélectionnées par MIST, avec un catalogue qui devrait rapidement s’étendre. Celui-ci, pour des questions de droits, est pour le moment réservé aux chansons qui ont été enregistrées avant 1956, car ces enregistrements ne sont plus protégées par le droit voisin des producteurs de phonogrammes et des artistes-interprètes, qui dure 50 ans. Il n’y a donc plus que les droits d’auteurs à régler, qui perdurent 70 ans après la mort de l’auteur-compositeur, mais qui sont gérés directement par la Sacem, qui délivre sans peine une autorisation d’exploitation.

« Pour le contenu plus récent, il faudra, pour une mise à disposition au public en ligne, en passer par une négociation avec les ayant droits« , concède L. Pénet, qui indique que les négociations avec les majors sont déjà en cours.

De plus pour éviter tout problème de droits, MIST évite de stocker lui-même les créations qui résultent de Songcooker. L’utilisateur crée une « recette », et c’est cette recette qui est générée par Songcooker, et qui pourra éventuellement être partagée par l’utilisateur. Si, à l’avenir, il est prévu de permettre aux utilisateurs de fournir leurs propres MP3 pour remixer les morceaux, MIST ne stockera rien et permettra uniquement l’écoute et l’édition à ceux qui disposent eux-mêmes des MP3, ou qui en connaissent l’URL. Une complexité qui montre bien les difficultés posées à l’innovation par le droit d’auteur. Reste que la technologie qui anime Songcooker dispose d’un potentiel qui intéressera certainement beaucoup d’artistes autoproduits, qui aimeraient que leurs morceaux soient masterisés par des internautes passionnés.

Enfin, MIST annonce qu’un plug-in pour l’application en Flash permettra bientôt de gérer le son multicanal (5.1, 6.1, 7.1), d’ajouter le support de beaucoup d’effets de traitement du son, et de nouveaux formats (autres que le MP3) et protocoles de transferts.

A suivre.

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