La ministre de la Culture Christine Albanel s’est exprimée jeudi devant les producteurs de télévision pour rappeler « l’importance et la légitimité de la copie privée« . « Cette importance a été réaffirmée par la loi DADVSI et je me battrai sans aucune ambiguïté au niveau communautaire pour en asseoir encore le principe« , affirme la ministre au moment où Bruxelles s’interroge sur l’opportunité de maintenir la taxe pour copie privée dans un environnement numérique où les possibilités de copies sont contrôlées, et donc leur coût prévisible dans le prix de vente des fichiers. En fait de principe, la ministre pense uniquement aux ressources financières de la taxe pour copie privée.
« La rémunération pour copie privée est une ressource d’avenir, dont le produit doit être consolidé et, je le pense, connaître une croissance raisonnable« , indique en effet la ministre qui ne laisse donc aucune ambiguité sur le fait que la commission d’Albis continuera d’alourdir la taxe sur la copie privée, soit en continuant d’étendre son assiette (ce qui semble désormais la formule préférée), soit en augmentant son montant. « Ce dispositif de la copie privée participe pleinement de l’équilibre de la création, fondé sur la juste rémunération de tous les créateurs. Equilibre que nous devons maintenant défendre sur tous les supports, et bien sûr aussi sur l’Internet, là où il est le plus menacé« .
La copie privée est en effet menacée sur Internet. La loi DADVSI, si elle rappelle le principe de la copie privée, l’a déshabillée de toute substance dans l’environnement numérique en affirmant l’interdiction de réaliser tout contournement des DRM, et en soutenant que le téléchargement ne pouvait pas constituer une source de copie privée. La cour de cassation a elle-même rappelé récemment qu’il n’existait pas de droit opposable à la copie privée. Tout cela ne serait pas sans grande conséquence si la copie n’était pas réprimée. Or la mission Olivennes est encore venue réaffirmée le principe légitime que le téléchargement d’une œuvre protégée par le droit d’auteur sur un réseau P2P n’est pas légal, et prévoit de le sanctionner d’une résiliation de l’abonnement à Internet. Là encore, ce ne serait pas bien grave si la sanction était légitime et si les internautes n’avaient pas le sentiment de payer un droit à la copie privée.
Or qu’est-ce que la rémunération pour copie privée si ce n’est la compensation d’un droit à télécharger sur les réseaux P2P et ailleurs sur Internet ?
Il faut avoir la mauvaise foi d’un SNEP, d’un Denis Olivennes ou d’un Olivier Bomsel pour continuer à affirmer que la taxe pour copie privée n’a pas pour but de compenser le piratage. Si la commission d’Albis (qui fixe les montants et l’assiette de la taxe) prend soin de ne jamais chiffrer les sources de la copie privée, c’est parce qu’elle sait que la plupart de ces sources sont illicites, et qu’une telle affirmation rendrait aussitôt la taxe elle-même illicite, par ricochet.
Nous avons compilé un graphique qui permet de voir nettement comment le montant total des perceptions pour copie privée (en rouge) a explosé parallèlement au développement des lignes à Internet (en bleu). Nous aurions pu y superposer un graphique de la chute du marché du disque, qui aurait montré une courbe inverse :
Comment l’industrie culturelle peut-elle justifier cette croissance parallèle en rappelant à la fois que le téléchargement illégal a explosé avec le développement des lignes Internet (ce qui est vrai), et que l’essentiel des contenus culturels consommés sur Internet le sont de manière illicite ?
De deux choses l’une. Soit les téléchargements sont légaux, et il faut maintenir la copie privée pour financer la filière culturelle (et même l’étendre pour couvrir l’upload). Soit les téléchargements et l’upload sont effectivement illicites, et dans ce cas l’essentiel du montant de la taxe est entâchée d’illégalité.
Ménager la chèvre et le chou, c’est provoquer la rebellion de consommateurs qui n’accepteront plus longtemps d’être écartés des débats, traités de « secte de charlatans« , et poursuivis en justice pour avoir mal consommé.
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