« En raison de circonstances indépendantes de ma volonté, j’ai dû remplacer les chansons complètes de ma page par des extraits de 90 secondes. » Voilà ce qu’on peut lire dans le courrier que Colbie Caillat, un artiste de chez Universal, adresse à ses fans à propos de sa page MySpace. « Chaque artiste signé sur un label appartenant à Universal doit s’exécuter immédiatement » continue-t-elle. « Je m’excuse pour les désagréments causés à tout le monde, en particulier à ceux qui utilisent mes chansons pour leur profil personnel. »
Cette politique instaurée par Universal n’est pas nouvelle. Cela fait déjà plusieurs mois que la major cherche à brider ses morceaux sur MySpace ou les autres plateformes comme YouTube ou iTunes en espérant récupérer l’audience sur son propre site. Deux choix sont proposés aux artistes signés. Soit ils optent pour des versions courtes de leur morceau, soit pour des complètes, mais avec un message promotionnel apparaissant au début et à la fin du titre.
Mais sur Internet, l’information n’apparaît pas au détriment d’une autre. Bien au contraire, elle se cumule et amplifie sa portée. Tout ce que risque de faire la major en bridant ses morceaux sur MySpace est d’ôter l’envie de ses fans de les diffuser sur leur profil (qui a réellement envie de proposer des morceaux avec un message publicitaire ou limités à 90 secondes ?), et de se priver de toute une publicité gratuite qui lui profitait largement. Ne parlons même pas des faux profils d’artistes qui se multiplieront afin de pouvoir continuer à diffuser les morceaux complets.
Ce n’est certainement pas de cette manière qu’Universal favorisera la migration sur son site. Si les internautes se rendent sur le profil d’un artiste, c’est généralement pour découvrir son travail. C’est donc le moment crucial pour le mettre en avant. Or, qu’est-ce qu’un message publicitaire peut bien faire d’autre que de lui attribuer dès la première écoute une image négative ? Volonté d’Universal ou non, l’internaute pensera juste que le groupe qu’il écoute n’est qu’un pur produit mercantile ne méritant pas son attention. Quant à l’option des 90 secondes, il reste sur sa faim au moment même où il aurait fallu lui en mettre plein la vue, et rien n’indique pour autant qu’il poursuivra plus loin ses investigations.
Enfin, dans l’hypothèse où l’internaute passerait au dessus de ce bridage, qu’est-ce qui fait croire à la major qu’il bifurquera sur son site pour en savoir plus ? Un internaute ne va pas sur MySpace pour écouter Universal, il y va pour écouter un artiste. S’il veut connaître plus en profondeur son travail, il ira en priorité sur la page Web de ce dernier, téléchargera son album sur le peer-to-peer ou écoutera d’autres titres sur sa plateforme streaming privilégiée ; tout ça avant, éventuellement, de motiver son choix dans l’achat de l’album.
A l’heure d’Internet, l’auditeur est devenu plus exigeant. Il ne suffit plus de lui balancer quelques gimmicks entre deux spots publicitaires pour de la lessive ; l’auditeur veut connaître un maximum son artiste avant de songer à lui lâcher quelques uns de ses deniers. Et ça, Universal ne l’a toujours pas compris. Mais bon, après tout Doug Morris n’avouait-il pas être complètement dépassé par Internet ? Peut être que, fidèle à ses habitudes, il se rendra compte de son erreur et fera marche arrière comme tant d’autres fois par le passé.
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