Il y croyait dur comme fer. Après une victoire étonnante en juillet 2007 contre MySpace, qui avait dû verser 61.000 euros de dommages et intérêts à Jean-Yves Lafesse, le plus célèbre petit doigt du petit écran français avait décidé d’attaquer Dailymotion et Google Video. L’humoriste reproche aux sites d’avoir laissé les internautes poster certaines vidéos de ses blagues sans autorisation. Or selon certaines indiscrétions, Jean-Yves Lafesse était en discussion avec Universal pour créer un site internet dédié à ses provocations audiovisuelles, et probablement pour les diffuser sur le portail mobile de SFR. Pour que les négociations aboutissent, il fallait faire table rase de toute concurrence illicite générée par le « web 2.0 ».
Jean-Yves Lafesse a donc produit au tribunal de grande instance de Paris une liste de vidéos qui, selon lui, violeraient ses droits d’auteurs et seraient diffusées en toute illégalité par Dailymotion, et par Google. Mais comme le rapporte La Gazette du Net (merci à Actaruss pour l’information), le tribunal de grande instance de Paris a jugé qu’il ne suffisait pas à l’humoriste de prétendre, mais qu’il fallait prouver. « La qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée. Il convient en conséquence de pouvoir attribuer toute œuvre à ses auteurs pour pouvoir déterminer l’existence de leurs droits« , rappelle le juge dans sa décision. Or, « à aucun moment dans ses conclusions, Jean-Yves Lafesse n’apporte la preuve que l’une des vidéos mise en ligne par un internaute correspond à une œuvre qui lui est attribuée« .
Dit autrement, le tribunal estime que l’auteur d’une vidéo diffusée sur Dailymotion est nécessairement celui qui l’a envoyé au site de partage, jusqu’à preuve du contraire. C’est à celui qui conteste cette présomption d’apporter la preuve qu’il est en fait l’auteur de la vidéo contrefaite.
Pas de contrefaçon sans comparaison
C’est pourquoi le tribunal reproche à Lafesse de s’être « contenté d’affirmer que toutes les références des programmes listés correspondent à ses œuvres sans effectuer de manière systématique de comparaison entre une œuvre précise et une vidéo mise en ligne« . Ce point est extrêmement important, puisqu’il induit qu’il faut prouver vidéo par vidéo que celle mise en ligne est bien une contrefaçon de celle dont le plaignant se prétend titulaire des droits. Sinon, le tribunal n’est pas en mesure de « constater l’existence d’une contrefaçon qui suppose nécessairement la comparaison d’une œuvre identifiée avec sa reproduction, sa représentation ou sa diffusion« .
Concrètement, une telle exigence – logique au regard des droits de la défense – devrait considérablement accroître les coûts de procédure, et précipiter l’adoption de procédés de watermarking qui automatisent la comparaison entre une vidéo originale et sa copie en ligne. La tentation est forte, comme le montre l’accord Olivennes, de systématiser la mise en place de filtres basés sur de tels procédés de watermarking. Ils sont un moyen d’utiliser la technique pour se substituer à la justice.
Le tribunal de grande instance, qui aurait rejeté de la même manière les accusations contre Google Video, a condamné Jean-Yves Lafesse au versement de 10.000 euros au titre des frais de justice.
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