La Société des Producteurs de Phonogrammes en France (SPPF), qui représente une partie des labels indépendants français, est en passe de réussir son bras de fer contre le site Radio.blog.club. Mais à quel prix ?

L’organisation avait indiqué dans un communiqué récent souhaiter mettre fin au laisser-aller en faveur des sites de streaming et les obliger à payer des licences ou à ne plus diffuser de musique du catalogue de la SPPF. Elle avait d’ailleurs confirmé au même moment le dépôt d’une plainte contre X qui visait explicitement Radioblogclub et les utilisateurs qui se servent de l’application pour diffuser sans autorisation des chansons des labels membres de la société collective. Dans un premier temps, alors qu’il finalisait un accord avec la Sacem et Sony BMG, Radioblog s’est opposé aux prétentions de la SPPF, pas tant sur le fond que sur la forme, en rappelant qu’elle avait demandé à ce qu’un catalogue complet des œuvres protégées par la SPPF lui soit fourni, afin de pouvoir mettre en place un blocage des œuvres listées. Il faut rappeler que Radio.blog n’héberge pas lui même de fichiers MP3, mais se contente de fournir un outil qui permet aux utilisateurs de faire écouter des œuvres hébergées par d’autres. Ce listing de bon sens a toujours été refusé par la SPPF, qui ne souhaite sans doute pas engager sa responsabilité juridique si jamais une œuvre d’un label membre n’était pas listée.

La situation semblait ainsi bloquée, d’autant que l’organisation refuse la proposition d’accorder une licence en échange du partage des revenus publicitaires, probablement jugés insuffisants. Prenant acte de ces blocages, la société Mubility éditrice de Radio.blog.club prend donc les devants et annonce qu’elle fera « vérifier auprès de la SPPF que les œuvres interprétées parles artistes dont le nom figure sur le site de la SPPF sont bien ‘des œuvres autorisées’ et si elles ne le sont pas, d’en avertir clairement ses utilisateurs« .

Grève du zèle

« Afin de procéder à cette vérification, nous allons adresser à la SPPF une demande de confirmation, œuvre par œuvre« , prévient Jean-Louis Tersiguel, qui conseille la société. En clair, l’ensemble des œuvres indexées par Radioblog devront être validées ou invalidées manuellement par la SPPF, une par une. Il s’agit probablement de plusieurs millions d’œuvres. Un travail titanesque et sans fin, d’autant que « cette demande portera dans un premier temps sur les œuvres déjà accessibles sur le site Radio.blog.club et sera, ensuite, mise en œuvre automatiquement au fur et à mesure que les œuvres seront mises en ligne sur leur serveur par les internautes« .

Pour corser le tout et respecter également la loi à la lettre, Radio.blog exige un formalisme exigeant pour chaque réponse positive selon laquelle une œuvre est protégée et devrait donc être bloquée. La SPPF devra ainsi confirmer qu’elle est titulaire, au titre de ladite œuvre, du mandat d’exercice du droit d’autorisation, que l’œuvre n’a jamais été communiquée au public par l’intermédiaire d’internet (sites web, mails,…) à titre gracieux par l’adhérent-producteur qui en est propriétaire, que cet adhérent n’a pas par ailleurs transféré ce droit à une autre société phonographique, membre de la SCPP, que cet adhérent a bien reçu de l’artiste interprète le droit d’exploiter l’enregistrement concerné sur les réseaux numériques et que, dans le cas d’œuvres d’origine étrangère, que l’adhérent a bien reçu du producteur original, un mandat de gestion express des droits voisins pour la France.

En langage familier, Radio.blog semble ainsi dire à la SPPF : « tu veux jouer au con, on va être deux ».

Lorsque ce formalisme sera rempli, Mubility mettra en place une page web intitulée « Ne touche pas à ma musique« , qui informera les utilisateurs qu’ils n’ont pas le droit de diffuser telle ou telle œuvre. Radio.blog tentera alors également d’informer les artistes-interprètes de ces œuvres que les internautes n’ont plus le droit de faire leur promotion à travers l’application. Le site espère ainsi générer une pression de la part des artistes, qui sont conscients de l’importance médiatique de sites comme radio.blob, qui diffusent des œuvres jamais diffusées sur les radios traditionnelles.

Enfin, Jean-Louis Tersiguel précise qu’il proposera, « conscient de la lourdeur administrative imposée par l’application stricte de la loi« , une solution de fingerprinting telle que celle proposée par la mission Olivennes. C’est en apparence une solution de compromis qui devrait plaire à la SPPF. Sauf que l’on voit mal comment, concrètement, Radio.blog pourrait calculer le « fingerprint » d’une œuvre qu’il n’héberge pas.

La balle est dans le camp de la SPPF.

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