Voilà une nouvelle qui risque de faire bondir pas mal de monde. Lors d’une conférence de presse tenue ce matin, Nicolas Sarkozy évoquait l’éventualité de supprimer totalement la publicité des chaînes publiques. Après tout, la réflexion part d’un questionnement tout à fait naturel. Pourquoi payer une redevance pour des chaînes qui nous inondent, autant que les privées, de publicités intempestives ? C’est ce qui transparaît dans le discours du président lorsqu’il estime que les chaînes publiques ne peuvent fonctionner « selon des critères purement mercantiles. »
Seulement, cette suppression n’est pas sans susciter de nombreuses interrogations quant aux conséquences d’une telle mesure sur le paysage audiovisuel. Première crainte : que les chaînes publiques (France 2, France 3, et France 5 donc) se voient coupées d’une manne financière importante, et en soient réduites à ne diffuser que des contenus de piètre qualité ou des programmes au faible potentiel d’audience. C’est le problème qu’évoque Nicolas Sarkozy lorsqu’il refuse une télévision publique « élitiste et ennuyeuse ». Quoiqu’il en soit, les actionnaires des chaînes concurrentes, qui récupéreront tous les annonceurs, se frottent déjà les mains ; le cour de TF1 grimpait ce matin de 8,5 % et celui de M6 de 7,16 %.
Ce que propose le président pour éviter de creuver le budget des chaînes publiques risque de susciter de nombreuses polémiques. Il s’agirait en effet de compenser le manque à gagner en le finançant grâce à « une taxe sur les recettes publicitaires accrue des chaînes privées et une taxe infinitésimale sur le chiffre d’affaires de nouveaux moyens de communication, comme l’accès à internet ou la téléphonie mobile. »
En gros, Nicolas Sarkozy veut entretenir les chaînes publiques en pillant le coffre des privées. « Le service public, son exigence, son critère, c’est la qualité » explique-t-il. « Sa vocation, c’est offrir au plus grand nombre un accès à la culture, c’est favoriser la création française. » C’est le retour en force d’un espèce de paternaliste culturel concernant la diffusion audiovisuelle qui rappelle étrangement les années 60 ; lorsque le gouvernement décidait de ce qu’il était bon que le peuple voit à la télé sans se soucier de ce qui l’intéresse vraiment. C’est aussi la traduction d’un sentiment actuel plus ou moins submergé, qui consiste à considérer que la télé, de par ses prétentions mercantiles, aurait délaissé les contenus de qualité pour se vouer au racoleur à tout prix.
Mais ce qui paraît plus grave encore reste l’extension de cette taxe à Internet et à la téléphonie mobile. En effet, la tendance actuelle voudrait que le public (les jeunes les premiers) la délaissent au profit d’Internet. Si il y a une dizaine d’années encore, ne pas avoir de télévision relevait d’un geste presque « politique », cela n’étonne plus personne aujourd’hui car Internet en est devenu la parfaite alternative. L’absence de télévision n’est plus considérée comme un choix « élitiste », mais constitue une véritable évolution des pratiques sociales. Avec cette mesure, Nicolas Sarkozy veut faire payer les nouvelles technologies pour un ancien modèle qui était plutôt voué à s’éclipser. Ca a autant de fondement que si on décidait de faire payer les plateformes de VOD pour entretenir les salles de théâtre ou Wikipedia pour les bibliothèques.
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