Qu’est-ce qu’être de gauche ? Denis Olivennes nous inciterait presque à entrer dans un débat philosophique et de sciences politiques. A l’occasion d’un portrait que lui consacre Le Monde, le nouveau directeur du Nouvel Observateur et ancien patron de la Fnac affirme être encore aujourd’hui l’homme de gauche qu’il a toujours prétendu être. Et même plus encore. « Il y a bien longtemps que j’ai décidé de ne plus me défendre, je me sens aussi à gauche que les gens de gauche si ce n’est plus et je les emmerde !« , s’énerve Denis Olivennes lorsqu’on ose mettre en doute sa géométrie politique.

Il est vrai qu’en ce qui nous concerne, il nous semble difficile de concilier le fait d’appartenir à une pensée de gauche et le fait de diriger une mission dont le but est de lutter par la répression contre le téléchargement dit « illégal ». C’est-à-dire dont le but est de conforter l’offre culturelle payante, par nature réservée à ceux qui ont les moyens financiers de se l’offrir.

La « mission Olivennes » était à l’exacte opposée de la licence globale, qui était beaucoup plus proche que la riposte graduée des valeurs traditionnelles de la gauche. Nous le disions en détail dans un article d’avril 2007, la licence globale n’est pas un choix économique, c’est un choix hautement politique. Tout le problème de la licence globale est justement qu’elle n’a jamais été débattue dans le contexte d’un choix de société, d’un débat politique clivant entre la droite et la gauche. Elle n’a pas été assumée comme un choix étant, c’est vrai, résolument orienté contre le capitalisme culturel. C’est-à-dire, selon nous, comme un choix de gauche.

Mais comment peut-on situer le débat de la licence globale ou de la riposte graduée sur l’échiquier politique et sur les valeurs de la société, lorsqu’un Denis Olivennes, chantre de la culture payante (rappelons qu’il a écrit un pamphlet contre la gratuité), se prétend plus à gauche que les hommes de gauche ?

Qu’importe, il nous emmerde.

Sauf qu’il est vital pour une démocratie qu’elle puisse se construire sur des repères idéologiques relativement clairs et identifiables. Que peut-on attendre du Parlement lorsqu’il va étudier la loi sur la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (loi Hadopi), si le débat ne se situe pas sur un plan politique et sociétal, et non pas seulement économique ?

Faire le choix de la riposte graduée plutôt que celui de la licence globale, c’est faire le choix de réserver la diffusion des œuvres à un petit cercle d’entreprises qui ont acquis les licences, et de n’autoriser leur jouissance qu’à ceux qui payent pour consommer ou ceux qui s’abreuvent de publicités pour Coca-Cola et consorts. C’est faire le choix de la rareté de l’offre culturelle, de la concentration de la distribution des œuvres, et du contrôle de leur « consommation ». Est-ce vraiment cela une politique culturelle de gauche pour le 21ème siècle ?

Il nous semble, en prenant un peu de distance sur le sujet précis qui nous préoccupe, qu’il s’agit d’un exemple symptomatique d’un mal plus profond. C’est par ce refus conscient ou non d’un retour aux Valeurs (avec un grand V) que la gauche perd à répétition les élections nationales en France. Qu’elle a été incapable de gagner une seule élection présidentielle sous la cinquième République, à l’exception de François Mitterrand. La gauche s’est opposée mollement à la loi DADVSI en 2006, mettant quelques champions de façade dans l’hémicycle sous le regard des internautes, pendant qu’en coulisse le parti rassurait la filière culturelle en affirmant que jamais la licence globale ne passerait (souvenez-vous…). Et c’est justement parce qu’elle refuse, en ce sujet comme en d’autres, de se livrer à de véritables combats idéologiques y compris en son sein, qu’elle s’effondre progressivement au profit des extrêmes.

Pour avoir un débat constructif lors de l’examen de la loi Hadopi, il faut d’abord répondre à cette question : « Qu’est-ce qu’être de gauche ? ».

A vos copies.

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