C’est notre confrère PC Inpact qui le révèle. L’Association des Services Internet Communautaires (ASIC) a adressé une note à l’Elysée et à Matignon, au cabinet d’Eric Besson, ainsi qu’aux ministères de l’Industrie et de la Justice pour tirer la sonnette d’alarme sur le projet de loi Hadopi qui devait être adopté cet été, selon les souhaits du Syndicat National de l’Edition Phonographique (SNEP). Rédigé sous la dictée du lobby de l’industrie musicale, le texte prévoit qu’une hauté administrative puisse décider de couper l’accès à Internet d’un abonné dont l’accès a été utilisé à plusieurs reprises pour télécharger illégalement des contenus protégés par le droit d’auteur. Puisque cette décision finale est prise après deux avertissements, le ministère de la Culture parle de « riposte graduée ».
Dans la lettre dont notre confrère a eu connaissance, l’ASIC démonte le procédé en rappelant d’abord que la sanction ne vise pas celui qui commet l’acte de téléchargement, mais celui qui en aurait ainsi la responsabilité parce qu’il est le titulaire de l’accès à Internet utilisé. Or, « bannir, même temporairement, des internautes de la société de l’information, ce n’est pas seulement les empêcher de télécharger des contenus illicites, c’est aussi et surtout leur interdire toute utilisation d’un vecteur de communication et d’expression devenus indispensables, qui offrent l’accès à une pluralité d’information, à une diversité de contenus, ou à une multitude de services publics« . Le problème est d’autant plus grave si c’est une PME qui est titualaire de l’accès.
Sur le strict plan juridique, l’ASIC apporte des arguments qui devraient logiquement mener au moins à une révision du texte, au mieux à son rejet pur et simple.
L’Association rappelle ainsi que le Conseil constitutionnel a jugé à plusieurs reprises qu’une autorité administrative telle que l’Hadopi ne peut pas prendre de mesures « privatives de liberté« , puisqu’il s’agit d’une décision de nature pénale que seule l’autorité judiciaire peut prendre. Or, selon l’ASIC, couper l’accès à Internet et interdire de souscrire une nouvel abonnement est privatif de liberté.
Sur le processus en lui-même, l’ASIC estime qu’il ne respecte pas les droits de la défense, puisque les sanctions et les avertissements pourront être décidés par la Haute Autorité sur demande des ayant droits, mais sans avoir recueilli au préalable les observations du titulaire de l’accès mis en cause. De plus, le droit pénal impose de rechercher l’élément intentionnel dans la commission de l’infraction, ce qui n’est pas prévu par la loi Hadopi.
Enfin l’ASIC dénonce un mécanisme de double peine, puisque tout en décidant des sanctions à l’encontre du titulaire de l’abonnement à Internet, la Haute Autorité devra notifier au ministère public les délits dont elle a connaissance. En Droit, le parquet pourra alors décider d’entamer sa propre procédure à l’encontre de la personne mise en cause.
Il nous faut tout de même rappeler que si le ministère de la Culture a rédigé un texte aussi bancal juridiquement, c’est parce que le mécanisme de riposte graduée a déjà été censuré une première fois par le Conseil constitutionnel au moment de l’examen de la loi DADVSI. Les sages avaient estimé qu’il n’était pas possible de juger le P2P autrement que les autres types de contrefaçon. Tout le texte de la loi Hadopi est donc construit de façon à contourner les arguments du Conseil, et à ne plus sanctionner la contrefaçon en tant que telle, mais le fait de ne pas avoir sécurisé son accès à Internet. Le résultat est un projet de loi totalement ahurissant, contraint de mettre en place une énorme usine à gaz absolument absurde au service des intérêts privés des titulaires de droits, pour un résultat qui sera de toute façon nul.
Il faut espérer que Christine Albanel ne continue pas à s’obstiner, en dépit des évidences et de la sanction politique violente du Parlement européen.
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