En janvier dernier, la fédération espagnole des producteurs de musique Promusicae s’est vue renvoyée dans les cordes par la Cour européenne de Justice lorsqu’elle a voulu obtenir l’identité de P2Pistes espagnols qu’elle comptait poursuivre. Tant que le gouvernement de José Luis Rodríguez Zapatero ne modifiera pas la loi pour permettre aux tribunaux d’exiger des FAI qu’ils communiquent les coordonnées des abonnés accusés de piratage, ces derniers seront à l’abri de toute action de la part du lobby du disque. Revancharde, Promusicae porte plainte contre un développeur espagnol qui avait créé, il y a plusieurs années, des logiciels de P2P aujourd’hui désuets, spécialisés dans l’échange de musique.

Promusicae annonce en effet qu’elle porte plainte contre Pablo Soto (photo ci-contre), le créateur des logiciels d’échange de fichiers musicaux Blubster et Piolet, basés sur son réseau Manolito P2P. Le lobby reproche à Soto d’avoir « fourni aux utilisateurs un logiciel pour faciliter l’échange réciproque de musique protégée par le droit d’auteur« . Dans sa plainte, Promusicae affirme que le développeur a conçu ses logiciels « avec une intention évidente de réaliser des profits » et « un comportement parasitaire« . Elle lui reproche spécifiquement d’avoir limité ses logiciels aux seuls formats musicaux MP3, WMA et OGG, d’avoir vendu des versions premium de ses logiciels pour 14,95 euros, et d’avoir glané des revenus publicitaires grâce à des encarts placés sur les interfaces de ses logiciels.

En fait, Promusicae reproche à Pablo Soto d’avoir su faire ce que l’industrie du disque n’a pas su réaliser : gagner de l’argent avec l’échange de musique sur Internet.

Elle devra néanmoins prouver qu’il l’a fait en ayant à la fois la conscience et l’intention de nuire à l’industrie musicale. Promusicae produit pour cela des extraits d’interviews dans lesquelles Soto a expliqué qu’il a créé ses logiciels de P2P parce qu’il a « pensé qu’il y avait une bonne opportunité commerciale lorsque Napster a été fermé« . Ou lorsqu’il expliquait que « les utilisateurs veulent être anonymes et notre rôle est de résoudre le problèmes des utilisateurs, pas les problèmes de l’industrie du disque« . La fédération pointe également des slogans publicitaires pour logiciels, en anglais, qui encourageaient les utilisateurs à « entrer dans un monde de téléchargements gratuits de musique« .

Rien de très percutant, mais peut-être assez pour créer un faisceau de culpabilité à l’encontre du développeur.

Signe cependant que l’industrie du disque n’a aucune idée de combien lui coûte le téléchargement de musique sur les réseaux P2P, Promusicae et les majors du disque (Universal, Sony BMG, Warner et EMI) demandent très exactement 13.029.599 euros de dommages et intérêts : 1 euro pour chaque utilisateur supposé qui a téléchargé Blubster ou Piolet.

Pablo Soto ne sera toutefois pas surpris du dépôt de cette plainte. Elle a juste pris un peu plus de temps que prévu. Wayne Rosso l’avait prévenu dès 2003 lorsqu’il a pris les commandes de Blubster et Piolet que les plaintes commenceraient à pleuvoir contre lui. Et Rosso s’y connaît en matière de plaintes. L’homme est celui qui avait dirigé Grokster… le logiciel qui a donné lieu en 2005 à la première jurisprudence condamnant aux Etats-Unis le créateur d’un logiciel de P2P.

C’est notamment suite à ce procès que Pablo Soto avait décidé d’abandonner ses logiciels, pour se concentrer finalement sur la sortie récente de Omemo, un logiciel de P2P d’un nouveau genre, entièrement sécurisé.

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