Ca y est, c’est fini. 2009 est derrière nous, l’occasion de vous souhaiter une excellente année 2010 et de publier notre liste de voeux pour l’année prochaine. N’hésitez pas à la compléter dans les commentaires.

  1. Que le gouvernement abandonne le mécanisme de filtrage du net prévu par le projet de loi Loppsi : L’Allemagne y a renoncé, pourquoi pas la France ? Brice Hortefeux devrait défendre au mois de février prochain son projet de loi Loppsi, qui prévoit notamment l’obligation faite aux FAI de bloquer l’accès à des sites dont la liste sera établie par l’administration, sans contrôle du juge. Or un mécanisme similaire adopté en Australie a montré toutes ses limites, tandis qu’en Allemagne la démonstration a été faite qu’il était beaucoup plus efficace et sûr de contacter directement les hébergeurs. Sur 8000 sites listés par l’administraiton allemande, seuls 1,37 % des URL avaient un vrai caractère pédophile, et sur ce reliquat, 93 % des contenus ont été retirés en moins de deux semaines. Lorsque l’on connaît le coût et l’inefficacité technique du filtrage, et l’arme lourde que sont prêts à employer les opérateurs, la raison voudrait que la France imite l’Allemagne. Mais le fera-t-elle ? Rien n’est moins sûr.
  2. Qu’un dossier de la Hadopi soit transmis à un juge : L’Hadopi ne devrait pas commencer ses travaux avant le mois d’avril, si la CNIL donne son feu vert à la chasse aux pirates. Mais depuis la censure du Conseil constitutionnel et le vote de la loi Hadopi 2, c’est au juge que revient la charge de prononcer les sanctions. Or il nous semble évident depuis le départ qu’aucun juge ne pourra prononcer la moindre sanction sur la base de simples relevés d’adresses IP adressés à l’Hadopi par les plaignants eux-mêmes. Outre le conflit d’intérêts évident, et la grande difficulté à définir l’infraction, il y a un problème énorme de fragilité des preuves. Nous parions que jamais aucun juge n’aura à traiter la moindre affaire de piratage adressée par l’Hadopi. Mais nous espérons avoir tort, pour qu’un juge puisse débouter les plaignants et ainsi signifier à toute la France que la riposte graduée est morte et enterrée.
  3. Que les médias ne relaient pas aveuglément la campagne de médiatisation que prévoit le gouvernement lors des premiers avertissements envoyés par l’Hadopi : Précisément parce qu’il sait que le volet sanction de la loi Hadopi ne sera probablement jamais appliqué, le gouvernement a prévu une campagne de communication de grande ampleur pour accompagner les premiers mails d’avertissements qui seront envoyés par l’Hadopi. Un appel d’offres a déjà été lancé pour organiser cette campagne, qui aura pour but d’apeurer la population et la convaincre d’arrêter de télécharger. Nous souhaitons que la presse ait le recul suffisant pour déjouer cette campagne et rappeler l’absurdité de la riposte graduée, tant sur un plan philosophique qu’économique, juridique et technique.
  4. Qu’il soit fait interdiction à Orange d’associer fourniture d’accès à Internet et fourniture de contenus exclusifs : En matière de régulation des communications, le début de l’année 2009 a été marqué par le feuilleton judiciaire des contenus exclusifs d’Orange, en particulier Orange Foot et Orange Cinéma Séries. Les premières décisions judiciaires avaient été contre la politique commerciale d’Orange, conformément aux positions exprimées par l’Arcep, par les députés, et par Eric Besson lorsqu’il était encore en charge du numérique. Mais le CSA et le gouvernement ont apporté leur soutien à Orange, Bercy allant même jusqu’à convaincre la cour d’appel de Paris de changer d’avis et d’autoriser l’opérateur à lier l’accès à ses contenus exclusifs au fait de souscrire un abonnement ADSL Orange. Or il est absolument anormal que (par exemple) pour pouvoir regarder les matchs de la prochaine Coupe d’Afrique des Nations, les abonnés de Free, de SFR ou de Bouygues soient obligés de résilier leur abonnement pour migrer chez Orange. L’accès à Internet et l’accès aux contenus devraient être deux services parfaitement distincts. Il faudra que la justice ou le Parlement obligent Orange à suivre la même politique que Canal+, qui permet à n’importe quel opérateur de commercialiser de commercialiser ses bouquets.
  5. Que France Télévisions rende son service de catch-up TV accessible sur toutes les box ADSL : Dans la même veine, la direction de France Télévisions a décidé l’été dernier de réserver à Orange l’exclusivité d’accès à son service de télévision de rattrapage (catch-up TV), sur les box ADSL. Il s’agit d’une décision totalement antinomique de la mission de service publique de France Télévisions, dont le cahier des charges impose qu’il rende ses programmes accessibles au plus grand nombre. Ca n’est certes qu’une anecdote, mais symbolique d’une certaine dérive et d’un oubli des valeurs. La culture, qui plus est lorsqu’elle est produite par le service public, n’est pas un bien commercial comme les autres, qui peut faire l’objet de contrats d’exclusivité.
  6. Que le piratage baisse : Non pas grâce à la chasse aux sorcières menée contre les internautes et contre les éditeurs de sites BitTorrent, mais bien grâce à l’ouverture d’une offre plus attractive et concurrentielle, à l’instar de ce qu’un Hulu a réussi à faire aux Etats-Unis contre le piratage des séries TV. Contrairement à ce que croient beaucoup de cadres de l’industrie culturelle, les opposants à l’Hadopi et les producteurs de contenu ont le même souhait que le piratage baisse. Ils n’ont simplement pas la même idée de la manière de parvenir à cet objectif. Peut-être faut-il commencer par se demander s’il est correct d’appeler « piratage » l’accès à des contenus culturels, et si le droit d’auteur inventé pour réguler les relations entre professionnels est bien adapté à réguler les pratiques de simples citoyens.
  7. Que le traité ACTA soit négocié de manière démocratique ou abandonné : Depuis plus d’un siècle, le droit d’auteur est régulièrement renforcé au profit des ayants droit à grand coup de traités internationaux que les députés des parlements nationaux sont ensuite contraints de transposer sans grande marge de manœuvre. Or le droit d’auteur étant un contrat social entre la société et ses auteurs, ce qui renforce les auteurs affaiblit la société. En négociant dans le plus grand secret l’énième traité de renforcement des droits des auteurs et des producteurs, les Etats-Unis, l’Europe et quelques pays invités s’apprêtent une nouvelle fois à fragiliser les droits de la société. Arrivera un moment où ce déséquilibre croissant deviendra insoutenable. En 2010, l’ACTA pourrait être cette goutte d’eau qui fera déborder le vase. Il est temps qu’au contraire, le contrat social soit renégocié de la manière la plus démocratique qui soit. Le succès électoral du Parti Pirate pourrait contraindre politiquement les gouvernements à en prendre conscience.
  8. Qu’un ministère des Communications et de la Société de l’Information soit créé : Bien qu’affichant une bonne volonté et un certain talent à se fondre dans le moule de la « société de l’information », la secrétaire d’Etat à l’Economie Numérique Nathalie Kosciusko-Morizet n’a pas pu être influente sur les dossiers qui la concernaient pourtant directement. L’Hadopi, le filtrage des sites de jeux d’argent ou le filtrage du net prévus par la loi Loppsi ont été décidés sans elle. Parallèlement, on ne voit pas ce qui justifie d’associer dans un même ministère la Culture et la Communication. Au contraire, on voit bien au travers des lois sur le piratage que les deux pôles sont très conflictuels, mais que l’influence historique du monde de la Culture à la rue de Valois donne la primeur à ses intérêts. Peut-être la création d’un ministère indépendant en charge des Communications et de la Société de l’Information permettrait-elle un meilleur équilibre, et une influence plus importante dans la direction des affaires numériques en France. Espérons simplement que ça ne soit pas Frédéric Lefebvre qui en prenne la tête.
  9. Que vous soyez toujours aussi nombreux (voire plus encore) à lire Numerama : Nous avons cette année battu tous nos records de fréquentation, grâce à votre fidélité et à la confiance que vous nous accordez. Vous n’avez jamais été aussi nombreux à lire nos articles, à les relayer autour de vous et à utiliser notre comparateur de prix sur lequel nous avons énormément travaillé. C’était le plus cadeau que vous puissiez nous faire cette année, et nous espérons vivement que vous nous renouvellerez cette confiance en 2010. Nous ferons en tout cas tout pour y arriver, avec toujours plus d’informations, de commentaire et de service. Nous avons encore beaucoup de projets dans les cartons qui ne demandent qu’à voir le jour, dont certains déjà en préparation.
  10. Que vous passiez tous une très bonne et heureuse année 2010, tant sur le plan personnel que professionnel. Nous vous souhaitons tous ce que vous vous souhaitez vous-même.

Bonne année 2010 !

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