Rien ne va plus pour la taxe pour copie privée. Le montant est tellement élevé que les consommateurs préfèrent bien souvent acheter leurs produits à l’étranger, presque la moitié de la commission d’Albis chargée de déterminer les montants et l’assiette de la taxe l’a désertée pour protester contre son fonctionnement, Bruxelles veut mettre à plat toute la copie privée au niveau européen, et même François Fillon s’est offusqué du manque de transparence et d’objectivité du mécanisme « d’imposition » mis en place au bénéfice des industries du disque et du cinéma.
En début d’année, le Premier ministre a donc chargé son nouveau secrétaire d’Etat à l’Economie numérique Eric Besson de faire des propositions pour améliorer le fonctionnement de la commission d’Albis et sauver la taxe pour copie privée avant qu’elle n’implose totalement. Il s’apprête à rendre sa copie, mais veut d’abord s’assurer d’un consensus des parties en présence.
Les Echos révèlent ainsi que le secrétaire d’Etat a envoyé mardi 8 juillet aux différents membres de la commission pour copie privée des « propositions soumises à consultation », pour améliorer le fonctionnement et la légitimité de ses décisions :
1. « Renforcer la transparence » vis à vis des consomamteurs en affichant le montant collecté « séparément du prix de vente ». Un « message explicatif » sur les raisons du prélèvement pourrait également être obligatoire, ce qui devrait satisfaire les ayants droit qui ont du mal à faire comprendre aux consommateurs ce pour quoi ils payent une taxe pour un droit à la copie privée qu’ils n’ont plus le sentiment d’avoir…
2. Doter la commision de « moyens propres affectés à la réalisation d’études indépendantes ». Pour le moment, c’est aux membres de la commission d’apporter les éléments de base permettant de définir un montant et une assiette de rémunération. Ils ont donc la responsabilité de commander eux-mêmes les études d’usage qui permettent de voir quels sont les actes de copie privée les plus courants et l’équipement utilisé. Mais concrètement, seuls les ayant droits commandent ces études, ce qui soulève des problèmes évidents d’objectivité. La goutte d’eau fut versée lorsque les ayants droit ont voté seuls la taxation des baladeurs téléphoniques type iPhone, sans même attendre les résultats de l’étude d’usage qui avait été commandée. Pour retourner à la table des négociations, les industriels exigent que cela ne puisse plus se produire.
3. « Faciliter l’émergence d’un consensus », en donnant au président de la commission la faculté de demander une seconde lecture d’une décision, « cette seconde délibération devant être prise à la majorité qualifiée des deux tiers des membres ». Si cette proposition était acceptée, ce serait sans doute une grande avancée, puisque jusqu’à présent, il suffit de la majorité simple pour adopter une décision, et le quorum n’a pas besoin d’être atteint lors d’une éventuelle deuxième délibération. Dans les faits, alors que jusqu’actuellement les ayants droit ont tout pouvoir pour faire adopter n’importe quelle taxe, cette mesure pourrait imposer qu’un consensus soit trouvé pour l’ensemble des décisions où le président de la commission estime qu’il est nécessaire. Il l’aurait été, à coup sûr, pour la taxation de l’iPhone.
4. « Renforcer la représentativité des membres de la commission », en désignant les organisations des industriels par arrêté conjoint des ministères de la Culture et de l’Industrie, et celles des consommateurs avec le ministre chargé de la Consommation. Pour le moment, c’est le ministère de la Culture qui désigne l’ensemble des représentants. De plus, le président de la commission devra être nommé par consensus entre les trois ministres, ce qui devrait garantir son objectivité, essentielle si le point 3 est accepté.
5. « Renforcer l’assiduité aux réunions ». Finie la politique de la chaise vide. L’UFC-Que Choisir, qui n’occupe plus son siège depuis deux ans, devra le laisser à une autre organisation si l’association de consommateurs poursuit dans cette position. Eric Besson propose que les absentéistes perdent leur mandat « de plein droit en cas de trois absences consécutives non justifiées auprès du président ».
Tout ceci va dans le bon sens. Mais Eric Besson ne s’attaque pas au fond du problème, qui est la légitimité-même de la taxe. Alors que les industriels et les consommateurs le réclament, il ne propose pas que les pratiques de contrefaçon (en particulier les téléchargements de fichiers MP3 et de films sur les réseaux P2P) soient explicitement exclus des études d’usage qui servent à déterminer l’assiette et le montant des rémunérations pour copie privée. Dans les faits, ces usages sont pris en compte dans les montants de taxation, pour compenser le préjudice subi par le téléchargement illégal. Or s’il reste illégal, il n’y a aucune raison de le taxer, puisque la taxe serait alors elle-même illicite.
S’il ouvrait cette boîte de Pandore, le secrétaire d’Etat risquerait de faire chuter considérablement le montant de la taxe et de mettre fin à une hypocrisie latente depuis le début des années 2000. Un risque que le gouvernement ne veut surtout pas prendre.
Comme nous l’analysions au sujet des différences importantes entre les taxes françaises et espagnoles, derrière la taxe pour copie privée se cache en fait un système parfaitement huilé de subventionnement de l’industrie culturelle…
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