Herbie Flowers, un célèbre bassiste, s’offusque. « La durée de protection des droits des artistes interprètes n’est pas en phase avec leur durée de vie et il est grand temps que cela change« , affirme le musicien. « J’ai joué sur certains titres qui ont eu beaucoup de succès, notamment Walk On the Wild Side de Lou Reed et Space Oddity de David Bowie, et il serait injuste que je ne reçoive plus de rémunération pour ces enregistrements après 50 années, au moment où j’en aurai sans doute le plus besoin« . L’argument de la retraite, utilisé en Grande-Bretagne, se généralise.
Trois organisations internationales d’artistes-interprètes, l’AEPO-ARTIS, la FIA et la FIM, ont envoyé la semaine dernière au Président de la Commission Européenne José Manuel Barroso un courrier lui demandant de donner suite aux propos du commissaire Charles McCreevy, qui a déclaré le 14 février dernier son intention d’allonger la durée de protection des droits de propriété intellectuelle des artistes de 50 ans à 95 ans après l’enregistrement de leurs œuvres.
« Beaucoup d’artistes qui ont commencé jeunes leur carrière voient leurs premiers enregistrements tomber dans le domaine public de leur vivant, perdant ainsi le contrôle et les bénéfices de leurs exploitations commerciales« , expliquent les organisations. « L’annonce faite en février par Monsieur McCreevy était attendue depuis longtemps par la communauté des artistes interprètes, qui l’a alors chaleureusement accueillie. Cette annonce a suscité de grands espoirs auprès des intéressés. Cependant, les mois ont passé sans qu’une proposition formelle soit avancée. C’est pourquoi les artistes encouragent aujourd’hui la Commission à aller de l’avant« .
Ce serait une très mauvaise idée.
L’urgence n’est pas d’allonger encore une fois les droits d’auteurs ou les droits voisins, tels que les droits des artistes-interprètes, mais au contraire de réduire la durée des droits exclusifs. Un chercheur britannique avait calculé l’an dernier que la durée optimale de protection des droits des auteurs et des compositeurs serait de 14 ans après la création de l’œuvre. Au delà, l’œuvre devrait tomber dans le domaine public. Il estimait que c’était là la durée la plus équilibrée pour répondre à l’objectif initial du droit d’auteur : accorder aux artistes un monopole temporaire d’exploitation pour qu’ils rentabilisent la création de leur œuvre, et puissent ensuite en créer une nouvelle, au bénéfice du public. Sans cesse allongée depuis trois siècles, la durée de protection des droits d’auteur est aujourd’hui de 70 années après la mort de l’auteur. Les artistes-interprètes, quant à eux, bénéficient d’un monopole de 50 années après l’enregistrement de leur œuvre. S’il faut aligner les deux durées de protection, ce serait aux droits d’auteur de s’aligner sur les droits voisins, et non l’inverse.
Au fil des années, la justification du monopole accordé aux artistes a été oubliée. Aujourd’hui, les artistes veulent que leurs œuvres deviennent des rentes à vie, et un capital retraite. Ca n’est plus l’effort créatif au service du public qui est récompensé, mais la chance d’avoir eu des œuvres à succès.
Verrait-un un maçon recevoir une rente pour chacune des maisons qu’il a construite et qui continuent à être louées ou revendues ? Verrait-on un chirurgien recevoir une part du salaire de chacune des personnes qu’il a sauvées dans sa vie ?
L’artiste qui a enregistré des chansons il y a cinquante ans et qui se retrouve à la retraite sans le sous est un père de famille négligeant qui n’a pas appris qu’il fallait mettre de l’argent de côté pendant sa carrière. Ce n’est pas au public de payer les frais de cette négligence.
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