Lorsqu’un éditeur de jeu vidéo est obligé de fournir à ses clients le crack réalisé par un groupe pirate pour leur permettre de jouer au jeu qu’ils ont acheté… on peut se dire qu’il y a, au mieux, un léger problème. Au pire, un aveu d’incompétence.

Plus encore que l’industrie de la musique enregistrée, l’industrie du jeu vidéo est attachée viscéralement aux DRM. Les systèmes anti-copie sont presque aussi vieux que les premiers jeux sur PC. A l’époque où les disquettes étaient de trop faibles capacité pour stocker tout un manuel en PDF, les éditeurs demandaient à chaque lancement du jeu d’écrire, par exemple, le mot qui apparaissait à la ligne 13 de la page 75 du manuel (hé oui, à cette époque il y avait de vraies boîtes avec de vrais gros manuels en vrai papier imprimé dedans). Certains jeux, comme certains King’s Quest, ne pouvaient tout simplement pas être finis sans le manuel, qui donnait des indices sur la façon de résoudre des énigmes (des recettes de potions par exemple). Le génial Secret of Monkey Island avait même poussé le luxe jusqu’à exiger du joueur une roue rotative à trous avec des moitiés de têtes de pirates en couleur. Il fallait alors reconstituer la bonne tête avec les instructions fournies par le jeu.

A cette époque, les protections étaient déjà ennuyeuses, et déjà inutiles (les jeux étaient piratés quand même), mais elles obligeaient les éditeurs à rivaliser d’imagination pour qu’elles soient le moins contraignantes possibles aux joueurs, et s’intègrent à l’univers du jeu. Certains joueurs, dont nous sommes, regardent cette époque de la protection anti-copie artisanale avec une certaine nostalogie. C’était avant que le jeu vidéo ne devienne une véritable industrie, et que le respect du joueur s’en aille totalement.

Aujourd’hui, seule la finalité de la protection anti-copie importe. Comme les jolies boîtes en carton et les lourds manuels remplis d’histoire et de desssins, les méthodes artisanales matérielles ont disparu au profit des solutions technologiques froides, qui insultent les joueurs, et ne gênent que ceux qui achètent les jeux. Les autres, les pirates, profitent simplement des cracks « no-CD » pour faire sauter les protections et jouer dans de meilleures conditions que ceux qui ont rémunéré l’éditeur et les développeurs.

Ubisoft publie un crack no-cd réalisé par Reloaded

Les éditeurs qui brassent aujourd’hui des milliards d’euros de chiffre d’affaires luttent sans merci contre ces cracks et les groupes warez qui les réalisent, sans jamais se poser la question de l’utilité première des DRM qu’ils imposent à leurs clients, et qui nourrissent les groupes warez…. Mais Ubisoft a radicalement changé de politique. Ils offrent désormais les cracks à leurs clients !

L’éditeur français a inclu sur son jeu Rainbow Six Vegas 2 un CD-check qui s’assure que le CD original du jeu est bien présent dans le lecteur avant de le lancer. Or le jeu est aussi proposé légalement en téléchargement payant sur la plateforme Direct2Drive, et Ubisoft a oublié d’adapter la protection. Les clients qui achètent le jeu sur le service en ligne se retrouvent donc dans l’incapacité de le lancer… Pour répondre au problème, Ubisoft a diffusé sur son site un patch no-cd destiné aux clients de Direct2Drive. Mais il a été démontré que le crack était en fait une vulgaire copie d’un crack réalisé par le célèbre groupe Reloaded, qui n’a bien sûr pas été crédité par Ubisoft :

Interloqués, des joueurs ont demandé des explications à Ubisoft… lequel a répondu de façon laconique que le patch avait été retiré de ses serveurs et qu’une enquête interne était en cours. « Inutile de dire que nous ne soutenons pas et ne tolérons pas les méthodes de contournement de protection comme celle-ci et que cet incident particulier est en conflit direct avec les politiques d’Ubisoft« , explique l’éditeur sur ses forums.

Permis de rire.

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