Du portefeuille au smartphone
Depuis 1998, la carte vitale se trouve dans presque tous les portefeuilles, sous la forme d’un petit rectangle de plastique. 20 ans plus tard, voilà qu’elle prend le chemin de la dématérialisation. Le gouvernement a annoncé en 2019 un chantier pour décliner la carte vitale sous la forme d’une application mobile, qui sera disponible sur Android et iOS.
En retard sur ses ambitions originelles (la pandémie de coronavirus n’a pas aidé), ce projet de carte vitale dématérialisée commence à se concrétiser. Une application officielle est disponible sur l’App Store (iPhone) et le Play Store (Android) depuis le mois de juillet 2023, mais ne fonctionne que dans quelques départements triés sur le volet.
Un décret pris le 28 décembre 2022 par le ministère de la Santé, à l’époque dirigé par François Braun, fixe le calendrier de déploiement, les données personnelles que l’application peut manipuler et les règles générales de fonctionnement. Voici tout ce qu’il faut savoir sur ce projet hautement attendu.
Quand doit sortir l’application mobile de la carte vitale ?
Dans son article 4, le décret demande que cette application mobile dédiée à la carte vitale soit mise à disposition « au plus tard le 31 décembre 2025 ». Tout le monde aura donc en principe accès à ce nouveau logiciel en 2026. Mais, le décret laisse la porte ouverte à un lancement plus tôt. Plusieurs dispositions du décret entrent en vigueur à diverses dates, à compter du 1er janvier 2023. L’arrivée d’une application-test laisse penser que tout devrait aller assez vite.
Le gouvernement apparaît confiant quant au succès de ce programme puisque, fait remarquer le site Acteurs Publics, le pan de vol de l’exécutif est d’ores et déjà fixé alors même que l’expérimentation « n’est pas terminée ». La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) le regrette d’ailleurs, comme le rapportait le journaliste Emile Marzolf en janvier 2023.
Sur le site de l’Assurance Maladie, il est indiqué qu’une expérimentation découlant d’un décret de 2019 autorise la fourniture d’une application pour plusieurs caisses d’assurance maladie. L’expérimentation devait s’achever le 31 décembre 2022 au départ. Cependant, le nouveau décret du mois dernier autorise, pour les personnes qui le souhaitent, à poursuivre le test.
Dans quels départements peut-on tester l’application Carte Vitale en avant-première ?
Pour installer l’application Carte Vitale dès 2023, il faut être rattaché à la caisse d’Assurance Maladie d’un de ces départements (la liste a été étendue en mai 2024):
- Ain (01)
- Allier (03)
- Alpes-de-Haute-Provence (04)
- Hautes-Alpes (05)
- Alpes-Maritimes (06)
- Ardèche (07)
- Bouches-du-Rhône (13)
- Cantal (15)
- Drôme (26)
- Isère (38)
- Loire (42)
- Haute-Loire (43)
- Loire-Atlantique (44)
- Puy-de-Dôme (63)
- Haute-Savoie (74)
- Bas-Rhin (67)
- Rhône (69)
- Saône-et-Loire (71)
- Savoie (73)
- Sarthe (72)
- Seine-Maritime (76)
- Var (83)
- Vaucluse (84)
Cette liste a évolue avec le temps, puisque d’autres départements avaient été ciblés initialement. Les habitants de ces régions peuvent scanner le numéro de leur carte vitale pour l’importer dans l’application, et ainsi bénéficier d’un QR Code à montrer à un professionnel de santé éligible.
Pourquoi lancer une e-carte d’assurance maladie ?
Le ministère de la santé justifie ce développement par une réalité sociologique : une large majorité de la population a un smartphone et une bonne partie de sa vie quotidienne est pilotée par cet appareil. Mails, comptes en banque, démarches administratives, achats, etc.
L’application « est destinée à devenir l’outil d’identification et d’authentification des patients dans le système de santé ». Pour qu’elle soit adoptée, il faudra que les professionnels de santé se mettent à jour, sans doute avec une app lecteur, pour scanner le QR Code d’un patient et l’insérer dans leurs logiciels.
Quelles seront les données collectées par l’app Carte Vitale ?
La carte dématérialisée contient les informations suivantes :
- Des données d’identification du titulaire, y compris le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques,
- La photographie du titulaire en couleur, de face, tête nue, récente et parfaitement ressemblante,
- Au moins une adresse postale ou électronique du titulaire,
- Des données techniques permettant d’assurer la mise en œuvre des fonctions de signature électronique, de protéger l’accès aux informations de la carte et d’authentifier la carte en tant que carte d’assurance maladie et d’identifier son titulaire.
L’application mobile de la carte vitale sera-t-elle obligatoire ?
Non. En tout cas pas à un horizon de court ou moyen terme. Comme pour la carte d’identité et le permis, l’Assurance Maladie parle d’une cohabitation à venir entre la carte classique, qui continuera d’exister, et l’application mobile. Il s’agira d’une alternative dématérialisée, semblable à ce que l’on peut voir dans les transports (des tickets en papier côtoient des pass et des titres de transport numérisés).
Cette coexistence permet d’éviter de mettre sur la touche des personnes qui n’ont pas de smartphone (plus d’une personne sur dix selon le baromètre 2021 du numérique mené par le Crédoc). Elles ne pourraient donc pas télécharger l’app sur un iPhone ou un smartphone Android. Néanmoins, il est exact que cette proportion ne cesse de fondre année après année.
À long terme, l’existence de la carte vitale sous la forme d’un petit rectangle de plastique pourra certes se poser. Mais, compte tenu des difficultés que peut avoir une partie de la population vis-à-vis du numérique — l’illectronisme touche quelques millions de personnes, à divers degrés –, le maintien d’une carte vitale sous sa forme classique s’imposera pendant des années.
Quid d’une carte vitale biométrique (et d’une application de carte vitale biométrique) ?
Tout comme les passeports et les nouvelles cartes nationales d’identité, la carte vitale pourrait un jour avoir un module permettant de stocker des données biométriques. C’est-à-dire, des caractéristiques physiques du ou de la propriétaire de la carte — comme une photo numérisée de la personne et certaines empreintes digitales de ses doigts.
Dans le cadre de cette future application, il est prévu de comparer la photographie du justificatif d’identité du titulaire à une prise de vue prise par son smartphone. Les deux clichés sont alors comparés à travers des gabarits biométriques. Ceux-ci doivent ensuite être supprimés au plus tard 96 heures après l’activation de l’application carte vitale.
Le sujet de la carte vitale biométrique est revenu durant l’été 2022 avec la loi de finances rectificative pour 2022. Dans celle-ci, les parlementaires ont obtenu la mise en place d’une ligne de crédit de 20 millions d’euros pour permettre la mise en place d’un système de carte vitale biométrique. Un chantier qui pourrait finir par croiser celui de l’application mobile, à terme.
L’application mobile telle qu’elle est envisagée actuellement ne prévoit pas d’inclure des données biométriques hormis la photo du ou de la titulaire (comme celle que l’on trouve au recto des cartes). Il n’est pas question de rajouter des empreintes digitales. Mais, en cas d’arrivée d’une carte vitale biométrique, cela pourrait finir par s’imposer.
Portée par les sénateurs de droite, cette perspective est justifiée par une fraude qui serait considérable : « en choisissant l’estimation la plus basse de cartes vitale surnuméraires en circulation, soit 2 millions de cartes, il peut être estimé que la fraude pourrait atteindre jusqu’à 6 milliards d’euros ». La fourchette haute atteindrait même 5,3 millions de cartes.
Ces évaluations sont toutefois très largement décriées. Comme l’a fait remarquer cet été le journaliste Vincent Granier spécialisé sur les sujets de santé, l’ampleur de cette fraude « n’a jamais été démontrée » et n’est que « très peu documentée ». Il y aurait bien moins de cartes vitales surnuméraires — et le chiffre de 6 milliards de fraudes est jugé fantaisiste.
Vous avez lu 0 articles sur Numerama ce mois-ci
Tout le monde n'a pas les moyens de payer pour l'information.
C'est pourquoi nous maintenons notre journalisme ouvert à tous.
Mais si vous le pouvez,
voici trois bonnes raisons de soutenir notre travail :
- 1 Numerama+ contribue à offrir une expérience gratuite à tous les lecteurs de Numerama.
- 2 Vous profiterez d'une lecture sans publicité, de nombreuses fonctions avancées de lecture et des contenus exclusifs.
- 3 Aider Numerama dans sa mission : comprendre le présent pour anticiper l'avenir.
Si vous croyez en un web gratuit et à une information de qualité accessible au plus grand nombre, rejoignez Numerama+.
Marre des réseaux sociaux ? Rejoignez-nous sur WhatsApp !