Les choses bougent du côté de l’application carte Vitale. Expérimentée dans plusieurs départements français depuis 2024, elle devient plus largement accessible grâce à l’application France Identité. Celle-ci sert de passerelle pour ajouter la carte Vitale dans son smartphone. La méthode n’est pas très difficile, mais nécessite de franchir plusieurs étapes.
Du portefeuille au smartphone
Présente dans tous les portefeuilles depuis 1998 sous la forme d’un petit rectangle de plastique, la carte Vitale évolue. Presque vingt ans après, voilà qu’elle passe elle aussi par la case de la dématérialisation, dans le cadre d’un chantier annoncé en 2019 par le gouvernement. Objectif : décliner ce document dans une application mobile pour Android et iOS.
Les grandes lignes du programme figurent dans un décret du 28 décembre 2022, dans lequel le gouvernement fixe le calendrier de déploiement, les données personnelles que l’application peut traiter et les règles générales de fonctionnement. Trois ans plus tard, les choses entrent dans la dernière ligne droite, avant généralisation.

Quand doit sortir l’application mobile de la carte Vitale ?
Elle est d’ores et déjà disponible sur l’App Store pour iOS et Google Play pour Android. S’il est possible de la télécharger sans attendre, l’utilisation ne peut se faire que dans deux circonstances : vous êtes en possession de la nouvelle carte nationalité d’identité électronique (CNIe) et utilisez l’appli France Identité, ou bien vous habitez dans un département éligible.
Selon un décret pris le 28 décembre 2022 par le ministre de la Santé, l’article 4 fixait un calendrier de déploiement dans lequel il était demandé de mettre cette application à disposition du public « au plus tard le 31 décembre 2025 ». En théorie, tout le monde aura donc en principe accès à cette solution en 2026.

Sur son site, l’Assurance Maladie indique que cette disponibilité survient en pleine expérimentation : fixée par un décret de 2019, celle-ci autorise d’une application dédiée pour plusieurs caisses d’assurance maladie. Elle devait au départ s’achever le 31 décembre 2022, mais des dispositions ont été prises pour la prolonger.
Il est à noter que le gouvernement apparaît confiant quant au succès de ce programme puisque, faisait remarquer le site Acteurs Publics début 2023, le plan de vol de l’exécutif est fixé alors même que l’expérimentation « n’est pas terminée ». La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) l’a d’ailleurs regretté, comme le rapportait le journaliste d’Acteurs Publics, Émile Marzolf en janvier 2023.
Dans quels départements peut-on tester l’application Carte Vitale en avant-première ?
Si France Identité sert de passerelle pour dématérialiser sa carte Vitale dans une application dédiée, une alternative existe dans certains départements. La liste, qui comptait au départ huit territoires, a été étendue à vingt-trois grandes circonscriptions administratives. La liste, renseignée ci-dessous, est susceptible de s’agrandir encore courant 2025 :
- Ain (01)
- Allier (03)
- Alpes-de-Haute-Provence (04)
- Hautes-Alpes (05)
- Alpes-Maritimes (06)
- Ardèche (07)
- Bouches-du-Rhône (13)
- Cantal (15)
- Drôme (26)
- Isère (38)
- Loire (42)
- Haute-Loire (43)
- Loire-Atlantique (44)
- Puy-de-Dôme (63)
- Haute-Savoie (74)
- Bas-Rhin (67)
- Rhône (69)
- Saône-et-Loire (71)
- Savoie (73)
- Sarthe (72)
- Seine-Maritime (76)
- Var (83)
- Vaucluse (84)
Dans le cadre de cette expérimentation, les habitants de ces départements ont la possibilité de scanner le numéro de leur carte Vitale pour l’importer dans l’application, ce qui leur donnera ensuite droite à un QR Code. Celui-ci pourra ensuite être montré à un professionnel de santé éligible ou dans une pharmacie, si cette fonctionnalité est prise en charge.
Pourquoi lancer une e-carte d’assurance maladie ?
Le ministère de la Santé justifie cette orientation par une réalité sociologique : une large majorité de la population a un smartphone et une bonne partie de sa vie quotidienne est pilotée par cet appareil. Mails, comptes en banque, démarches administratives, achats, etc. Pas question cependant de délaisser la carte plastifiée, pour des raisons d’accessibilité.
Malgré tout, l’application « est destinée à devenir l’outil d’identification et d’authentification des patients dans le système de santé ». Pour qu’elle soit adoptée, il faudra que les professionnels de santé et les pharmacies se mettent à la page, afin de pouvoir gérer la lecture du code QR que l’appli affiche à l’écran.

Quelles seront les données collectées par l’app Carte Vitale ?
La carte dématérialisée contient les informations suivantes :
- Des données d’identification du titulaire, y compris le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques,
- La photographie du titulaire en couleur, de face, tête nue, récente et parfaitement ressemblante,
- Au moins une adresse postale ou électronique du titulaire,
- Des données techniques permettant d’assurer la mise en œuvre des fonctions de signature électronique, de protéger l’accès aux informations de la carte et d’authentifier la carte en tant que carte d’assurance maladie et d’identifier son titulaire.
L’application mobile de la carte Vitale sera-t-elle obligatoire ?
Non. Comme pour la carte d’identité et le permis de conduire, l’Assurance Maladie parle d’une cohabitation entre une version physique et une version numérique. Il s’agira d’une alternative dématérialisée, semblable à ce que l’on peut voir dans les transports (des tickets en papier côtoient des pass et des titres de transport numérisés).
Cette coexistence permet d’éviter de mettre sur la touche des personnes qui n’ont pas de smartphone (plus d’une personne sur dix, selon le baromètre 2021 du numérique mené par le Crédoc, bien que cette proportion recule année après année). Elles ne pourraient donc pas télécharger l’app sur un iPhone ou un smartphone Android.

À beaucoup plus long terme, l’existence de la carte Vitale sous la forme d’un petit rectangle de plastique se posera peut-être. Cependant, en raison des difficultés d’une partie de la population avec le numérique — l’illectronisme touche quelques millions de personnes, à divers degrés –, le maintien d’une version physique devrait s’avérer indispensable.
Quid d’une carte Vitale biométrique (et d’une application de carte Vitale biométrique) ?
Tout comme les passeports et les nouvelles cartes nationales d’identité, la carte Vitale pourrait un jour avoir un module permettant de stocker des données biométriques. C’est-à-dire, des caractéristiques physiques du ou de la propriétaire de la carte — comme une photo numérisée de la personne et certaines empreintes digitales de ses doigts.
Dans le cadre de cette future application, il est prévu de comparer la photographie du justificatif d’identité du titulaire à une prise de vue prise par son smartphone. Les deux clichés sont alors comparés à travers des gabarits biométriques. Ceux-ci doivent ensuite être supprimés au plus tard 96 heures après l’activation de l’application carte Vitale.
Le sujet de la carte Vitale biométrique est revenu durant l’été 2022 avec la loi de finances rectificative pour 2022. Dans celle-ci, les parlementaires ont obtenu la mise en place d’une ligne de crédit de 20 millions d’euros pour permettre la mise en place d’un système de carte Vitale biométrique. Un chantier qui pourrait finir par croiser celui de l’application mobile, à terme.

L’application mobile telle qu’elle est envisagée actuellement ne prévoit pas d’inclure des données biométriques hormis la photo du ou de la titulaire (comme celle que l’on trouve au recto des cartes). Il n’est pas question de rajouter des empreintes digitales. Mais, en cas d’arrivée d’une carte Vitale biométrique, cela pourrait finir par s’imposer.
Portée par les sénateurs de droite, cette perspective est justifiée par une fraude qui serait considérable : « en choisissant l’estimation la plus basse de cartes Vtale surnuméraires en circulation, soit 2 millions de cartes, il peut être estimé que la fraude pourrait atteindre jusqu’à 6 milliards d’euros ». La fourchette haute atteindrait même 5,3 millions de cartes.
Ces évaluations sont toutefois très largement décriées. Comme l’a fait remarquer cet été le journaliste Vincent Granier spécialisé sur les sujets de santé, l’ampleur de cette fraude « n’a jamais été démontrée » et n’est que « très peu documentée ». Il y aurait bien moins de cartes Vitales surnuméraires — et le chiffre de 6 milliards de fraudes est jugé fantaisiste.
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