Dans la série des abus de droits d’auteur idiots qui décrédibilisent la propriété intellectuelle, les producteurs du film « Coluche, l’histoire d’un mec » ont récolté une possible palme d’or. Paul Lederman, l’ancien éditeur et agent de l’humoriste interprété à l’écran par François-Xavier Demaison, vient en effet de les assigner en référé pour la soit-disante contrefaçon d’un bout de phrase. Lederman, qui réclame 150.000 euros de dommages et intérêts et la modification du titre sur les affiches et le générique du long-métrage biographique, estime en effet que le sous-titre du film d’Antoine de Caunes viole les droits qu’il détiendrait sur le sketch « Histoire d’un mec sur le pont de l’Alma« .

Sans rire.

Mais à pleurer.

Alors que le film doit sortir mercredi prochain dans les salles, l’audience en référé est programmée vendredi à 9 heures. Si jamais le tribunal donnait raison à l’agent, la sortie du film devra être repoussée et 500 copies brûlées. Mais au delà du préjudice commercial que ça causerait aux producteurs, le tribunal ne pourrait pas accepter de « protéger » ainsi un petit morceau de phrase sans aller contre l’esprit-même du droit d’auteur et créer un dangereux précédent. On ne voit pas bien en effet ce qui, dans l’utilisation de quelques mots emblématiques du comique, pose un préjudice moral ou commercial aux ayants droit de Coluche. On voit bien, en revanche, ce que ce genre de prétentions peut causer comme entrave à la liberté de créer et à la liberté d’expression.

Interrogé par l’AFP, l’un des producteurs du film estime d’ailleurs que Paul Lederman veut exploiter les droits d’auteur à des fins de censure. Il « cherche l’interdiction pure et simple du film, qui ne correspond pas à l’idée qu’il se fait de Coluche« , assure ainsi Thomas Anargyros, de Cipango Films. « Il s’arroge un droit moral, qu’il n’a pas, sur la mémoire de l’humoriste« , ajoute le producteur.

L’agent, qui n’a promis de reverser que 50 % des dommages et intérêts aux Restos du Coeur, ne s’en cache pas. Le sous-titre « est trompeur car le public va croire qu’il s’agit d’un film sur sa vie alors qu’il s’agit uniquement d’un film sur une petite partie de sa vie. Je ne veux pas qu’on trompe le public« , explique le plaignant.

De même, alors que le droit d’auteur est censé favoriser un équilibre favorable à la création, ça n’est pas la première entrave que Lederman pose au film au nom du droit d’auteur. Le réalisateur Antoine de Caunes a dû revoir son scénario pour écarter plusieurs répliques de sketchs de Coluche sur lesquels son ancien agent détient encore des droits, faute d’autorisation.

Lorsque les droits d’un artiste mort il y a plus de 20 ans brident la créativité des artistes d’aujourd’hui, peut-on véritablement parler de loi favorable à la création ?

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