C’est confirmé. Selon nos informations, les membres du groupe socialiste du Sénat ont débattu mardi du projet de loi Création et Internet, et ont adopté une position commune. Ils se sont majoritairement prononcés en faveur de la riposte graduée présentée par Christine Albanel, en restant ainsi fidèles à la note interne révélée mardi par Numerama. Mais il y aura toutefois des divergences y compris dans les rangs socialistes.
Le sénateur Robert Navarro, fraîchement élu au Sénat après avoir fréquenté les mêmes bancs parlementaires que l’eurodéputé Guy Bono, a demandé aux socialistes de se s’engager contre la riposte graduée. « A l’initiative des socialistes français, une majorité des députés européens a clairement rejeté le principe de la riposte graduée et la création de l’HADOPI« , rappelle l’ancien membre du Parlement Européen à propos de l’amendement 138 qu’il avait lui-même soutenu. Favorable à la mise en place d’une taxe sur les FAI et d’une licence globale, Robert Navarro demande à ce que les députés français attendent la fin des débats à Bruxelles pour se prononcer sur un texte qui risque d’être rapidement caduc. « Pour moi, il est clair que seule une décision judiciaire peut aboutir à la coupure d’un accès à Internet. C’est le sens même de notre amendement« .
Des amendes plutôt que la suspension : une non-réponse
Il trouvera pour cela des alliers de circonstances. Alors que la Commission des Affaires Culturelles s’est prononcée pour la suspension de l’abonnement à Internet, en rejetant la portée juridique de l’amendement 138, la Commission des Affaires Economiques a proposé 27 amendements au projet de loi. Parmi eux, un amendement prévoit de « remplacer la coupure d’accès par une amende afin de sécuriser juridiquement la riposte graduée » et « d’éviter la création d’un fichier des internautes suspendus« . L’amende pourrait même être modulée en fonction de la disponibilité ou non de l’œuvre piratée dans l’offre légale.
« Ce système d’amende administrative s’applique sans discrimination, conserve aux Français l’accès à la ‘commodité essentielle’ qu’est le haut débit, et semble plus adapté pour répondre au préjudice économique que représente le piratage« , estime la commission qui était consultée pour avis.
Cependant, amende ou suspension, ça n’est qu’un problème accessoire au problème beaucoup plus fondamental de l’irrespect des droits de la défense posé par le projet de loi Création et Internet. Avant d’infliger une sanction, quelle qu’elle soit, il faut être certain de la culpabilité de la personne sanctionnée. Or en matière de preuve, rien de satisfaisant n’est pour le moment proposé. La Commission des Affaires culturelles demande la mise en place d’une sorte de « spyware » qui n’est ni efficace techniquement ni acceptable au regard de la vie privée, tandis que la commission des affaires économiques semble avoir passé le problème sous silence. En outre, la procédure d’appel prévue par le projet de loi n’est pas suspensive. Un abonné condamné à tort pourra donc être sanctionné avant-même d’avoir eu la possibilité de défendre sa bonne foi devant un tribunal qui, lui, sera beaucoup plus exigeant sur les preuves.
Contacté par Numerama pour évoquer le problème central de l’impossibilité de prouver sa bonne foi en cas de condamnation à tort, le secrétariat du groupe socialiste au Sénat nous a assuré que le problème de la preuve serait évoqué lors des discussions. Mais même sans garantie, le texte sera voté par le groupe, pour renvoyer la patate chaude à l’Assemblée Nationale qui se prononcera au début de l’année prochaine.
Or le texte étant présenté en procédure d’urgence, donc sans renvoi pour deuxième lecture au Sénat, l’aveu qui transparaît en filigrane est éloquent : le Sénat ne sert à rien.
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