Les œuvres du domaine public, nouvelle source de financement pour la création d’aujourd’hui ? C’est l’idée d’un amendement (retiré en début de semaine) déposé par les députés de La France Insoumise dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023. Il s’agirait de ponctionner une taxe de 1 % sur tout bénéfice fait de l’utilisation commerciale d’une œuvre du domaine public.
L’amendement, repéré par Alexis Kauffmann, spécialiste du logiciel libre et fondateur de Framasoft, une plateforme dédiée au mouvement libriste, servirait à « augmenter les aides à la création artistique », en complément des dispositifs qui existent déjà. L’amendement a été déposé le 30 septembre et doit encore être examiné en commission des finances.
Seule l’utilisation lucrative des œuvres du domaine public serait taxée : « l’utilisation gratuite et libre des œuvres non soumises aux droits d’auteurs » ne serait en aucun cas affectée, précise l’exposé des motifs — comment, de toute façon, appliquer une taxe de ce type sur un usage gratuit et libre des œuvres, faute de montant sur lequel s’appuyer ?
Un prélèvement de 1 % sur tout bénéfice issu du domaine public
Dans ce cadre, on peut imaginer qu’une personne interprétant à la guitare ou au piano une partition d’un compositeur comme Beethoven, et qui chercherait à en tirer un peu d’argent en monétisant sa prise avec une vidéo sur YouTube, devrait reverser 1 % de ses gains. L’amendement ne précise pas qui se charge de collecter la taxe ni qui la redistribue, et comment.
Autre éventualité : la vente de cartes postales sur laquelle seraient imprimées des peintures de renom ayant plusieurs siècles. Ou tout simplement une reproduction de certains grands tableaux. La taxe visant l’utilisation commerciale lucrative pourrait ratisser large. Elle pourrait aussi bien s’appliquer dans le monde physique que dans le numérique.
Le fonctionnement de l’amendement connaîtrait potentiellement des difficultés d’application dans certains cas de figure, qui ne seront sans doute pas les plus courants : quid, par exemple, d’une œuvre créée récemment et pour laquelle l’artiste décide de renoncer à ses droits patrimoniaux, en la plaçant sous une licence Creative Commons permissive ? Devient-elle également taxable ?
Ce n’est pas la première fois que La France insoumise défend cette piste. En 2019, les députés LFI avaient déposé une proposition de loi similaire, signalée dans le Copyright Madness. Déjà à l’époque, il était question d’une ponction de 1 %. L’idée est ancienne chez LFI : en 2017, Jean-Luc Mélenchon y était déjà favorable. Elle est revenue dans son programme de 2022.
La proposition de loi défendue à l’époque n’avait pas pu être adoptée, faute d’une majorité suffisante au Parlement pour LFI et ses alliés. De fait, la configuration actuelle de l’hémicycle rend improbable une survie de l’amendement à moyen terme. Si elle survie à la commission, la mesure devra ensuite traverser plusieurs étapes législatives, qui sont autant d’embûches.
Chez les libristes, cette suggestion passe difficilement : Alexis Kauffmann prévient que ce taux de 1 % pourrait très bien augmenter à l’avenir, en dressant un parallèle avec la rémunération pour copie privée. Chez Lionel Maurel, juriste et coauteur du Copyright Madness, cette idée est jugée également avec sévérité : c’est une atteinte à l’intégrité du domaine public.
« Le domaine public est inséparable de la liberté d’usage, que ce soit à des fins lucratives ou non. C’est ce que signifie intrinsèquement l’arrivée à leur terme des droits patrimoniaux », développe-t-il sur Twitter. Déjà dans sa chronique de 2019, il dénonçait ce « système de domaine public payant », qui est une mauvaise solution à un vrai problème : la précarité des auteurs.
(mise à jour avec le retrait de l’amendement)
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