Sur la version anglophone de Wikipédia, l’une des pages les plus visitées de l’année est celle dédiée au conflit entre l’Ukraine et la Russie. Or, selon une étude conduite par deux think tanks anglais et relayée par Gizmodo le 18 octobre, l’article a, à de nombreuses reprises, été vandalisé afin de mettre en avant un discours pro-russe.
En tout, depuis le début de l’invasion en février 2022, les administrateurs de Wikipédia ont dû bannir 89 éditeurs de la page (dont 3 bots), et annuler leurs modifications. Ces derniers auraient « violé les règles de Wikipédia en s’adonnant à du vandalisme, des abus et des attaques personnelles, pour violation de la propriété intellectuelle, et pour corruption », selon les observations de l’étude. À travers leur action, ces éditeurs ont tenté de faire la part belle à la version russe des faits.
Des centaines de modifications sur Wikipédia
En tout, les 86 éditeurs humains bannis sont responsables de 681 interventions sur la page, précise l’étude. Elles ne représentent que 8 % de toutes les modifications survenues sur l’article depuis le début du conflit. Cependant, les changements effectués par les éditeurs relayaient tous la version de Moscou, et étaient souvent accompagnés par des liens venant de médias d’État russes.
Outre l’ajout de sources pro-Kremlin dans l’article, les éditeurs ont eu 4 buts principaux, pointe l’étude. Ils ont « semé le doute sur l’objectivité de l’article », en modifiant le texte de l’article afin de décrédibiliser les sources « pro-occident », et faire paraître les sources pro-Kremlin plus honnêtes. Les éditeurs ont également ajouté des passages de texte soutenant les versions du gouvernement russe et supprimé ceux faisant le contraire.
Une autre de leurs missions semble avoir été d’aborder des sujets historiques, afin de mettre en avant une vision de l’histoire plus favorable à la Russie. Enfin, leur dernier rôle était d’ajouter des citations de Moscou directement dans le texte de l’article dans le but d’accroitre la présence des arguments russes.
Les éditeurs n’ont pas modifié que la page sur la guerre entre la Russie et l’Ukraine. Les autres articles qu’ils ont remaniés concernaient l’Irak, la Libye, et l’organisation terroriste de l’État islamique. Enfin, les éditeurs ont aussi fait des changements sur des pages moins géopolitiques, telles que celles de compagnies aériennes.
Les auteurs de l’étude soulignent le fait que les éditeurs semblent s’être coordonnés pour accomplir leurs retouches, car plusieurs d’eux « partageaient constamment les mêmes liens » vers des médias d’État russes dans les articles.
Une action concertée entre éditeurs
Malgré tous ces éléments, il est difficile de conclure à une action mandatée par un État. « Il y a peu d’exemples connus de comportements illicites sur Wikipédia qui peuvent clairement être attribués à un État », indiquent les auteurs de la recherche. « La façon la plus simple de prouver leur implication est de trouver les modifications faites depuis une adresse IP appartenant au gouvernement. »
Il est cependant très facile de cacher une adresse IP, et il existe des groupes et des entreprises spécialisées dans la manipulation de pages Wikipédia. La tentative d’instrumentalisation la plus évidente commise par un État a été exposée en septembre 2021, lorsque la fondation Wikimedia a banni une dizaine d’administrateurs chinois, qui avaient « infiltré la plateforme. »
L’encyclopédie en ligne est souvent la cible d’actes de manipulation. L’un des sites les plus visités au monde, Wikipédia offre en plus la possibilité à n’importe quel internaute d’apporter des modifications aux articles, et c’est aux administrateurs bénévoles de l’encyclopédie de s’assurer du bien-fondé et de la pertinence de ces ajouts. Pour se faciliter la tâche, toutefois, certains sujets sensibles peuvent être verrouillés aux nouveaux venus.
Les bénévoles ayant des responsabilités au sein de Wikipédia doivent donc faire face régulièrement à des tentatives de manipulation, que ce soit par des groupes politiques cherchant à mettre en avant leurs idées, par des partis essayant d’embellir le CV de leurs candidats aux élections, ou encore, parfois, par ennui ou pour promouvoir un produit ou un service.
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