Quelle stratégie pour empêcher les mineurs d’accéder aux sites pornographiques ? Peut-être celle consistant à inscrire sa carte bancaire pour valider la création d’un compte, ce qui donnerait accès ensuite aux contenus pour adultes. C’est en tout cas la piste que privilégie Charlotte Caubel, secrétaire d’État auprès de la Première ministre chargée de l’Enfance.
« Ce serait déjà un filtre »
À l’occasion d’une intervention en commission à l’Assemblée nationale mardi 25 octobre, la secrétaire d’État a plaidé pour exiger l’utilisation d’une carte bancaire en guise de filtre pour éloigner les mineurs d’un certain nombre de sites X. « Ce serait déjà un filtre », a-t-elle argué devant les parlementaires, lors d’une discussion plus large sur la situation de l’enfance en France.
Pour la secrétaire d’État, il est hors de question de se satisfaire du statu quo au prétexte qu’aucune méthode n’est parfaite pour empêcher les mineurs de se rendre sur des sites pornographiques. Même si la méthode ne fonctionnerait que sur une fraction des enfants, il faut quand même agir. Et ce, même si cela n’interceptait qu’un enfant sur deux, ou même un enfant sur trois ou quatre. Ce serait déjà ça.
« On nous oppose que ce ne serait pas un filtre parfait, mais déjà si on peut protéger 30 % ou 40 %, soyons pragmatiques », a-t-elle expliqué. « Nous avons une opposition, aujourd’hui, entre la liberté d’aller sur les sites porno des adultes et les traumatismes créés à nos enfants. Il y a un sujet de valeurs. Il va falloir les rapprocher et voir celles que nous défendons. »
Bien sûr que des jeunes de 13 à 18 peuvent déjà avoir des cartes bleues. Charlotte Caubel ne l’ignore pas. Mais il est possible, comme parent, d’avoir un suivi en temps réel et le détail des opérations, via une application dédiée. « Mon enfant, quand il utilise sa carte bleue, j’ai une alerte, je verrai si c’est sur Youporn ou sur McDo », a-t-elle lancé.
Un système en place et éprouvé, mais qui a ses limites
La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), dans une synthèse publiée fin juillet, a relevé qu’il n’y a pas de solution parfaite pour vérifier l’âge des internautes accédant aux sites X. Sur la question des cartes bancaires, la Cnil a noté que cette solution est déjà retenue par certaines plateformes X et qu’elle repose sur des infrastructures « déjà déployées et éprouvées. »
La Cnil a toutefois observé aussi que des mineurs peuvent être en possession de ces fameuses CB, ce qui amoindrit l’efficacité de ce filtre. Elle a aussi noté que cet accès conditionné à la possession d’une CB peut être une source de discrimination sociale pour les adultes n’en possédant pas. Des majeurs peuvent avoir des ressources insuffisantes pour être éligibles.
L’efficacité de la mesure serait à première vue bonne pour les plus jeunes, juge la Cnil : « un tel système permet de protéger les plus jeunes (environ jusqu’à l’entrée au collège) », car avant, les mineurs ayant une carte bleue sont vraiment rares — d’autant que les prestataires ne prévoient pas un accès à ce type de service si tôt. En général, les enfants ont 10-11 ans en sixième.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’utilisation de la CB n’implique pas une dépense. Il s’agit de vérifier la validité de la carte et non pas de payer. Il peut y avoir un micro-paiement, annulé dans la foulée, ce qui peut servir à contrôler un accès sur un site X gratuit. De toute façon, Charlotte Caubel a laissé entendre qu’une dépense d’un euro ne serait pas insurmontable.
La Cnil a toutefois mis en garde à deux niveaux, si cette solution était retenue : le premier est qu’il vaut mieux séparer le site web consulté du système de vérification de l’âge, qui doit être assuré par un tiers indépendant. Le second est de prévenir les risques d’hameçonnage (phishing), car des mails frauduleux pourraient tenter de piéger des internautes malavisés.
« Il serait souhaitable que les éditeurs de site et les fournisseurs de solutions lancent en parallèle une campagne de sensibilisation aux risques d’hameçonnage, tenant notamment compte de cette nouvelle pratique », proposait la Cnil cet été. En clair, il faudrait que les Pornhub, Youporn et les autres plateformes populaires fassent de la cyberprévention.
Dans un rapport du Sénat sur l’industrie de la pornographie, remis en septembre, et qu’a salué la secrétaire d’État, l’option de la carte bleue a aussi été considérée. « Cette solution a pour principaux avantages d’être facile à mettre en œuvre et peu intrusive. Cependant, il est possible de disposer d’une carte bancaire avant 18 ans », est-il écrit.
Si cette option est retenue, elle posera deux questions : que fera-t-on des sites qui ne suivent pas les recommandations de la loi ? En l’état, c’est le levier du blocage au niveau des fournisseurs d’accès à Internet qui serait actionné. Là encore, la mesure peut être contournée. Et surtout : irait-on jusqu’à bloquer des sites non pornos, mais sur lesquels on en trouve, comme Twitter ou Reddit ?
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