Abandonnée par la Grande-Bretagne, la riposte graduée fait surface en Irlande. Le fournisseur d’accès Eircom, pressé par les maisons de disques de mettre en place de coûteuses mesures de filtrage sur son réseau, a préféré accepter de suspendre l’accès à Internet de ses clients suspectés de téléchargement illégal.

Pour défendre son projet de loi Création et Internet, la ministre de la Culture Christine Albanel avait assuré l’an dernier devant les sénateurs que la riposte graduée était déjà à l’œuvre en Grande-Bretagne, grâce à accords entre les fournisseurs d’accès et les ayants droit. Elle assurait même que le projet français était plus protecteur des droits des citoyens, car il créait une autorité administrative (l’Hadopi) pour faire écran entre les ayants droit et les fournisseurs d’accès à Internet. Mais la ministre devra changer d’exemple.

Car la Grande-Bretagne a reculé. Hasard ou coïncidence, c’est au moment où le FAI Virgin Media (qui avait été le premier à signer un accord de collaboration sur la riposte graduée avec les majors) abandonne son idée de service de P2P légal que le gouvernement britannique annonce qu’il n’est plus question d’ordonner aux opérateurs de couper l’accès aux abonnés qui téléchargent illégalement sur Internet. « Nous ne pouvons pas avoir un système dans lequel on parle d’arrêter des adolescents dans leur chambre à coucher« , a en effet tranché cette semaine le ministre britannique en charge de la propriété intellectuelle, David Lammy (photo ci-contre), dans un entretien accordé au Times. « Les gens peuvent prendre une chambre d’hôtel et repartir avec le savon, il y a une grande différence entre le fait de repartir avec un savon et le fait de partir avec le téléviseur« , a-t-il expliqué pour minimiser la gravité du piratage de masse.

Mais Christine Albanel pourra trouver un autre pays, l’Irlande, pour donner un nouvel exemple à l’Assemblée Nationale. Le plus gros fournisseur d’accès irlandais, Eircom, aurait en effet accepté de mettre en œuvre un mécanisme de réponse graduée sur son réseau. Les ayants droit lui communiqueront une liste d’adresse IP à qui seront d’abord envoyés un message d’avertissement, puis une mise en demeure en cas de récidive. Et enfin, si l’adresse IP d’un abonné apparaît une troisième fois dans les relevés, Eircom débranchera la prise qui le relie à Internet. Le tout se fait sans l’intervention du gouvernement, par simple accord de collaboration entre acteurs privés. Et surtout, sans le regard d’un juge.

Mais si Eircom a accepté de sanctionner ses propres clients sans même pouvoir vérifier la véracité des relevés qui lui seront envoyés, c’est qu’il cède à un chantage judiciaire organisé par EMI, Warner, Universal et Sony. Les quatre majors ont en effet proposé d’abandonner en échange les poursuites entamées à l’encontre d’Eircom, qu’elles accusent de faciliter le piratage en ne filtrant pas leur réseau. Les tribunaux de Dublin devaient décider cette semaine de contraindre ou non Eircom à mettre en place des solutions coûteuses (et inefficaces) de filtrage dans ses infrastructures, pour tenter d’empêcher le piratage. Mais finalement, l’accord sur la riposte graduée, beaucoup moins coûteux à mettre en œuvre, devrait se substituer au procès.

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