Le Président de la République a trouvé le cheval de Troie populaire qui lui permettra d’imposer le filtrage en France. Jouant sur la corde de l’émotion, il propose que le gouvernement puisse établir une liste de sites pédophiles, qui seront bloqués par les FAI.
« Il n’y aucune raison que les fournisseurs d’accès permettent l’accès à des sites pédopornographiques« , a ainsi expliqué le chef de l’Etat face aux acteurs du monde familial. Pour lui, « on peut parfaitement assurer la liberté qui est tout à fait nécessaire et en même temps le devoir de protection des plus vulnérables« . « Internet n’est pas hors de l’Etat de droit. Notre devoir, c’est de protéger et d’aider les familles« , a-t-il encore expliqué.
Mais demain, la liste des sites pourra être étendue sur décret à d’autres catégories de crimes ou d’infractions, telles que les sites de liens BitTorrent qui agiraient en violation du droit d’auteur, les blogs qui répandent de fausses rumeurs ou, pourquoi pas, les sites de commerce en ligne qui vendent des poupées vaudou à l’effigie du chef de l’Etat.
On image déjà le discours pour les droits d’auteur : « Il n’y a aucune raison que les fournisseurs d’accès permettent l’accès à des fichiers piratés. On peut parfaitement assurer la liberté qui est tout à fait nécessaire et en même temps le devoir de rémunérer les auteurs. Internet n’est pas hors de l’Etat de droit. Notre devoir c’est de protéger et d’aider les créateurs ».
Plus grave encore que l’extension prévisible du filtrage, personne ne peut contrôler la légitimité de l’insertion d’un site sur la liste des sites à bloquer. La dernière version connue de la future loi de programmation de sécurité intérieure (LOPSI) prévoit une obligation de résultat pour les FAI, alors même que les méthodes de filtrage envisagées sont d’ores-et-déjà connues pour leur totale inefficacité.
Le projet dispose en effet que « compte tenu de l’intérêt général attaché à la lutte contre la diffusion de contenus relevant des dispositions de l’article 227-23 du Code pénal, les (fournisseurs d’accès) doivent empêcher par tout moyen et sans délai, l’accès aux services désignés par arrêté du ministre de l’Intérieur« .
Finalement, les ministères de la Famille et de l’Economie numérique devraient être associés, mais pas l’ordre judiciaire qui n’aura pas à juger au préalable si un site est effectivement contraire à la loi ou non. Ce sera une décision du seul ordre exécutif, à la manière des lettres de cachet de Louis XIV.
L’entêtement du chef de l’Etat est d’autant plus troublant qu’en Grande-Bretagne, un tel listing a déjà montré ses limites et sa dangerosité vis à vis de la liberté d’expression. Le site Wikipedia a ainsi été partiellement censuré l’an dernier parce qu’une page présentait une pochette d’un album de Scorpion sur lequel apparaissait le corps nu d’une enfant.
Pire encore, le filtrage du net, s’il a réellement pour but de filtrer la pédophilie, est absolument stupide de contreproductivité. Il va inciter le vrai pédophile, celui qui viole de vrais enfants pour son plaisir ou pour son commerce, à se réfugier vers des moyens de diffusion beaucoup plus difficiles à filtrer, qui sont aussi beaucoup plus difficiles à tracer pour les autorités de police qui souhaitent remonter à la source. La capture des violeurs d’enfants deviendra encore plus coûteuse et difficile qu’actuellement.
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