La principale modification apportée au texte a été l’allongement de la durée minimale de suspension que devra prononcer la Haute Autorité (Hadopi) après l’envoi des deux premiers messages d’avertissement. Alors que le Sénat avait réduit cette durée minimale à un mois, les députés ont souhaité ramener à deux mois la sanction de base. Il faut « restaurer un différentiel entre la durée minimale de suspension de l’abonnement à Internet, au titre des sanctions prononcées par la HADOPI, et la durée minimale de suspension à ce même abonnement pouvant être prononcée sur une base transactionnelle« , a expliqué le rapporteur du texte Franck Riester (photo ci-contre). L’Hadopi pourra toujours sanctionner à un mois de suspension si l’internaute s’engage à ne plus laisser sa connexion être utilisée pour pirater des contenus. « L’alignement voté par le Sénat réduit à néant l’intérêt de la transaction pour les pirates, alors que cette procédure repose sur un engagement volontaire à ne plus réitérer de tels actes« . De plus, a expliqué le rapporteur, « il est indéniable que la réduction à un mois de la durée minimale de suspension de l’abonnement amoindrit la portée dissuasive et pédagogique de la sanction encourue« .
Pendant la durée de suspension, l’abonné devra toujours payer sa facture au fournisseur d’accès. Alors que le président de la commission avait suggéré un système « permettant que le paiement de l’accès à Internet soit simplement suspendu pendant la durée de la sanction et qu’il reprenne à la fin de celle-ci dans les conditions normales du contrat« , la mesure a été rejetée.
Rejetés également, les amendements rendant obligatoire le caractère suspensif des recours exercés par les internautes contre les décisions de l’Hadopi. « La personne intéressée pourra saisir le juge, mais il n’est pas prévu que le recours au juge soit automatiquement suspensif afin d’éviter que tous les internautes forment un recours dans le seul but d’engorger la Haute Autorité. Le juge décidera, en référé, si le recours a un caractère suspensif« , a expliqué le rapporteur. « Si le juge était saisi d’entrée de jeu, la justice, qui est déjà saturée, serait paralysée !« , a soutenu le député UMP Jean-Paul Garraud.
Par des arguments des plus étranges, les députés réunions en commission ont également défendu l’idée que la procédure de l’Hadopi respectait les principes du débat contradictoire, parce que « les personnes reçoivent des messages et même une lettre recommandée, ils peuvent donc y répondre« . Difficile d’y répondre, pourtant, sans savoir de quoi l’on est accusé (puisque la lettre ne dira pas quelle œuvre a soit-disant été piratée). Le député Jean-Dionis du Séjour (Nouveau Centre) a bien tenté de faire comprendre que « ni l’envoi d’un courrier électronique, ni la réception d’une lettre recommandée n’offrent la possibilité de porter la contradiction« , en insistant sur le fait que « la recherche de l’identité d’une personne à partir de son adresse IP conduira nécessairement à des erreurs« . Mais la commission a choisi de ne pas renforcer les droits de la défense.
Elle a en revanche décidé qu’une liste de moyens de sécurisation serait établie avec labellisation par l’HADOPI, sans que la liste des spécifications techniques retenue ne soit publiée. Embêtant. D’autant que les amendements rendant obligatoire l’interopérabilité des moyens de sécurisation ou leur gratuité ont été rejetés, tout comme celui qui proposait que les internautes soient exemptés de responsabilité si aucun moyen de filtrage labellisé n’existe pour leur système d’exploitation. Ce qui risque de poser des problèmes pour le logiciel libre.
Par ailleurs, la commission n’a pas souhaité retirer les pouvoirs confiés à l’Hadopi de demander aux FAI des mesures de filtrage, sans respecter le principe de subsidiarité qui veut que les ayants droits s’adressent d’abord à l’auteur d’un site, puis à son hébergeur, et éventuellement en bout de course au FAI. » Il s’agit pourtant d’un principe fondamental ! S’il n’est pas respecté, une censure constitutionnelle est probable« , a prévenu, sans succès, Jean Dionis du Séjour.
La Commission des lois a également rejeté la proposition de Patrick Bloche de légaliser les magnétoscopes numériques comme Wizzgo, en les soumettant en retour à la rémunération pour copie privée. « Les conséquences économiques d’une extension du périmètre de la copie privée seraient très importantes et néfastes pour d’autres secteurs, tels que la télévision de rattrapage ou la vidéo à la demande« , a estimé le rapporteur Franck Riester, qui confirme ainsi la volonté d’exclure du champ de la copie privée les actes offerts sous une autre forme, propriétaire, par les ayants droit.
Sur la licence globale, Patrick Bloche avait proposé la création d’une « contribution créative » pour la création musicale, par la voie d’un accord professionnel. « Plutôt que d’imposer par la loi une nouvelle rémunération des auteurs, cet amendement propose d’inciter les organisations professionnelles à négocier la mise en place d’une » contribution créative « « , a-t-il expliqué. « Ce mécanisme reposerait sur une contribution forfaitaire versée par les abonnés à un service de communication au public en ligne fournissant Internet à haut débit ». Mais la proposition a été fustigée par le rapporteur, qui estime qu’il s’agirait d’une vente forcée indépendamment de la consommation« . « Ce mécanisme remettrait fondamentalement en cause la juste rémunération des offres artistiques auxquelles le public a librement adhéré« , a ajouté M. Riester.
Philosophe, Patrick Bloche s’est dit « pas surpris » de l’avis défavorable du rapporteur. « Mais il devra renforcer son argumentation lors de l’examen du projet de loi en séance publique !« , a prévenu le député socialiste.
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