Invité de l’émission French Connexion animée par Cédric Ingrand, le président d’Universal Music Pascal Nègre était venu défendre le projet de loi Création et Internet et la riposte graduée. C’est finalement la licence globale qui s’est invitée au coeur des débats. Fidèle à ses habitudes, il n’aura pas manqué de semer quelques contre-vérités.
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Tout d’abord, Pascal Nègre réfute l’idée selon laquelle la licence globale ne serait qu’une extension de la copie privée – et de la taxe qui y est attachée – aux actes de téléchargement. « La copie privée c’est quand vous avez acheté l’œuvre et que vous décidez d’en faire une copie dans le cadre du cercle de famille. C’est quand vous avez acheté l’œuvre« , insiste-t-il. Or le code de la propriété intellectuelle, que Pascal Nègre pose sur sa table de nuit comme d’autres posent les écritures bibliques, n’impose nulle part que la copie privée soit réalisée à partir d’une œuvre achetée. Et la notion de cercle de famille n’est pas non plus liée à la copie privée, mais à l’exécution publique d’un phonogramme. Zéro pointé en droit.
« La licence globale c’est une autre histoire« , continue Pascal Nègre. « C’est l’idée de dire que de toute façon on arrivera à rien, donc laissez comme c’est, et on va faire une taxe. Donc on va taxer tout ce qui est abonnement Internet et abonnement téléphonique, ça va rapporter de l’argent et puis on va le répartir« , explique-t-il.
« D’abord, y a plein de gens qui vont payer la taxe qui n’utilisent pas leur abonnement pour télécharger de la musique et qui n’y sont pour rien. Deuxièmement, la problématique de fond c’est comment vous répartissez ?« , demande-t-il.
« Si vous faites le calcul par nombre de connexions et par internautes, vous arrivez à des sommes colossales« , affirme Pascal Nègre avant de lancer un chiffre abracadabrantesque. « Alors que vous payez 30 euros par mois pour avoir votre abonnement à Internet, vous allez avoir une taxe qui va faire 30 ou 40 euros par mois« , assure-t-il, sans compter le cinéma. Le tout pour revenir au niveau qu’avait l’industrie du disque il y a six ans, qui pesait selon lui 1,5 milliard d’euros.
Or faites le calcul. 30 euros par mois payés par 20 millions d’internautes abonnés au haut débit, c’est 7,2 milliards d’euros de collectés par an. Pour compenser 1,2 milliards d’euros, c’est 5 euros par mois qu’il faudrait prélever. Zéro pointé en maths.
« A partir du moment où vous avez tout gratos vous n’allez plus payer« , dit-il pour justifier la volonté de compenser intégralement le chiffre d’affaires de toute l’industrie du disque, s’il y avait une taxe. Or c’est oublier que de fait, tout est déjà gratuit aujourd’hui grâce ou à cause du piratage, et que malgré tout beaucoup de consommateurs payent encore de la musique. Beaucoup recherchent encore aujourd’hui plus qu’un simple fichier MP3, mais veulent posséder l’objet ou bénéficier d’un service à valeur ajoutée qu’ils sont prêts à payer. Ca n’est pas parce que l’on peut cuisiner chez soi un steak-frites à moindre frais que l’on ne va pas au restaurant du coin commander une entrecôte saignante. Zéro pointé en économie.
Enfin, sur les plateformes légales, « si vous téléchargez un jeune artiste une seule fois, ça sera noté et il sera payé« , assure Pascal Nègre. « Alors que dans le cas de la licence globale, ça va être des sondages, et toutes les petites ventes, elles vont rien toucher (…) c’est pour ça que je suis contre la licence globale« , conclut-il.
L’argument peut paraître convaincant au quidam. Sauf que dans le cas de la plateforme légale, l’artiste est rémunéré par la maison de disques selon les termes d’un contrat de production qui prévoit le plus souvent que les sommes perçues sont retenues par le label jusqu’au remboursement intégral de la production du disque. Ce qui, le plus souvent, conduit l’artiste à ne rien toucher du tout (voir à ce sujet notre article sur la Poule de Sébasto). Dans le cas de la copie privée ou de son extension par la licence globale, l’artiste toucherait 25 % des sommes collectées, par l’intermédiaire de sa société de gestion collective, en contournant ainsi l’accord signé avec sa maison de disques.
Et surtout, sans licence globale, l’artiste qui veut avoir une chance de percer sur les « plateformes légales » est obligé de signer un contrat avec une maison de disques, qui garde le contrôle sur la distribution. Avec la licence globale, la maison de disques perd une part considérable de son poids.
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