La Russie perd un peu plus de son influence médiatique, y compris dans son propre pays. En effet, trois chaînes russes — Rossiya 1, Perviy Kanal et NTV — ne vont plus avoir accès aux services d’un opérateur satellitaire français, Eutelsat, pour diffuser leurs programmes dans le pays, mais également dans les territoires ukrainiens annexés par Moscou depuis 2014.
À l’origine de cette manœuvre se trouve Reporters Sans Frontières (RSF), célèbre organisme de défense de la liberté de la presse. L’ONG avait d’abord lancé une première action devant l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), la nouvelle instance qui rassemble les compétences du CSA et de la Hadopi.
Cependant, l’Arcom s’était déclarée incompétente sur ce dossier, considérant qu’elle ne peut agir sur des chaînes diffusées vers l’étranger. RSF n’avait toutefois pas du tout la même lecture de la situation. L’organisme avait donc lancé une procédure devant le Conseil d’État, plus haute juridiction de l’ordre administratif en France, pour obtenir une réévaluation de la situation.
Un levier juridique qui a permis d’agir
La stratégie a par ailleurs évolué : comme l’indique l’Arcom dans un communiqué du 14 décembre, ce réexamen a bénéficié « d’éléments complémentaires intervenus en cours d’instruction ». En l’espèce, il est apparu que Rossiya 1, Perviy Kanal et NTV étaient aussi diffusés par Eutelsat dans les territoires annexés de l’Ukraine… or, c’est cet état de fait qui a été exploité astucieusement.
L’Arcom a constaté l’Ukraine a signé et ratifié la Convention européenne sur la télévision transfrontière, comme la France. Or, ce texte impose entre autres que les programmes doivent respecter la dignité de la personne humaine et les droits fondamentaux d’autrui. Il ne doit y avoir de mise en valeur de la violence ni être susceptibles d’inciter à la haine.
Ces trois chaînes sont, depuis le début de la guerre, accusées de n’être que des outils de propagande à la solde du Kremlin. Elles sont à l’origine de contenus « incitant à la haine et à la violence, en violation de l’obligation d’honnêteté de l’information ». Au niveau européen, d’autres médias russes, comme Russia Today (RT), ont été bannis pour des raisons similaires.
Cette double signature et ratification de la France et de l’Ukraine à cette convention donne à l’Arcom « une base juridique pour exiger d’Eutelsat qu’il cesse la diffusion de ces chaînes ». Ce qu’elle a fait le 14 décembre. La décision de l’Arcom inclut les territoires capturés en 2022 lors de l’invasion russe, ainsi que les zones prises en 2014 lors d’une première offensive, dont la Crimée.
Le jour même de la délibération de l’Arcom, Eutelsat a émis un communiqué pour annoncer sa mise en conformité avec cette décision : « Eutelsat n’interviendra plus dans la diffusion des trois chaînes de télévision sanctionnées ». Eutelsat rappelle qu’elle met systématiquement en œuvre les décisions de l’autorité. Elle n’avait pas bougé avant, faute de délibération dans ce sens.
De fait, c’est un très bon coup obtenu par Reporters Sans Frontières, puisque le coup est non seulement porté en Ukraine, mais aussi en Russie. Cela étant, cela ne va pas empêcher totalement Rossiya 1, Perviy Kanal et NTV de continuer à diffuser en Russie et de relayer la propagande du Kremlin sur la prétendue « opération spéciale ». D’autres canaux de diffusion existent.
« Un grand succès pour RSF . L’Arcom_fr a demandé aujourd’hui à Eutelsat de cesser la diffusion de trois chaînes de propagande russes. Le journalisme avait été retiré des bouquets. La décision a une importance majeure et peut-être historique », a salué Christophe Deloire, le secrétaire général de Reporters Sans Frontières, dans un message publié le 14 décembre.
Le poids d’Eutelsat dans la diffusion, en Russie, de ces trois chaînes de télévision n’est pas communiqué. RSF signale que ce sont trois chaînes ayant une visibilité conséquente dans le pays : ensemble, elles touchent environ 25 % des ménages du pays. C’est une « victoire dans la lutte contre la propagande et une victoire pour le droit à l’information », tranche RSF.
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