Nous aimerions tourner la page obscure d’une époque où le Parlement n’est saisi de culture que pour surveiller et punir.
Ce soir, nous sommes invités à faire un choix de société, de civilisation, entre une culture numérique ouverte ou une fable archaïque, la » chasse aux » pirates » « . Le monde d’après s’invente aujourd’hui.
Notre confrontation n’est pas une discussion de technophiles. Il n’y est pas simplement question de choix techniques, mais d’orientations plus fondamentales, pour nos vies, pour la société que nous choisissons de bâtir.
Il ne s’agit pas non plus de siffler la fin de la récréation pendant laquelle, selon les propagandes en vigueur, une génération de délinquants juvéniles aurait pillé sans scrupules la musique et le cinéma, comme des collégiens indélicats s’en prendraient à l’étal du pâtissier ou aux rayons du libraire.
Nous ne sommes pas plus ici pour graduer l’échelle des délits et des peines, pour inventer des parades techniques toujours illusoires et toujours contournables, pour culpabiliser ou dénoncer, pour légiférer sans jamais rien régler.
Non, c’est un débat sur la société que nous voulons.
Nous sommes ici à un tournant de l’histoire de la culture, pour écrire deux libertés, celle des artistes et celle du public, pour les rendre mutuellement acceptables.
C’est donc, j’ose le dire, le plus important débat de politique culturelle de cette législature.
Depuis plus d’une décennie, ceux qui gouvernent la culture font preuve d’un redoutable aveuglement. La plupart des immenses débats sur l’accès du plus grand nombre aux créations artistiques, qui remuèrent le ciel d’Avignon de Jean Vilar à Jack Lang, en d’autres temps, sont aujourd’hui taris.
Les choix innovants de soutien à la création, aux artistes, à l’économie culturelle qui ont permis depuis les années 80 de maintenir une capacité de production musicale et cinématographique ne trouvent pas aujourd’hui de dignes successeurs.
Faute d’avoir compris que pour une, deux générations aujourd’hui, l’éternel combat pour la démocratie et la culture se jouait là.
Les nouveaux défis se réduisent à d’interminables controverses pour ou contre le téléchargement.
A cette fable déjà dépassée, nous opposons un récit autrement plus fondateur: celui de la révolution numérique.
La révolution numérique transforme les conditions de la création. Artistes et producteurs le reconnaissent. Elle transforme l’accès aux œuvres de l’esprit, devenu infiniment plus facile, et elle rend possible sans limite leur partage désintéressé. Elle est l’occasion de conquérir de nouvelles libertés. Ce n’est pas la vulgaire aubaine du voleur de poules que décrivent jusqu’à la caricature les zélateurs de l’ordre ancien.
La révolution numérique transforme donc aussi les conditions de la diffusion des œuvres.
C’est pourquoi nous souhaitons offrir au débat une nouvelle vision des droits d’auteur. Nous les défendons mieux en les adaptant, que ceux qui tentent de les figer, de les congeler dans le passé, au risque d’être les bâtisseurs naïfs d’un rempart de papier.
Nous ne voulons laisserons pas dire qu’ici au Parlement, ou ailleurs, le clivage séparerait ceux qui défendent les droits d’auteurs et ceux qui ceux qui les contestent ou les ignorent au profit d’une consommation sauvage et sans règle.
Le débat sera entre ceux qui se réfugient dans une croisade moyenâgeuse pour le statu quo et ceux qui recherchent un nouvel équilibre des droits.
Là est notre différence. Les droits d’auteur ont survécus depuis deux siècles pour protéger les créateurs contre des intérêts concurrents qui les appauvrissaient, et souvent pour protéger le faible contre le fort.
Leur raison d’être essentielle n’est pas d’opposer l’artiste et le public.
A l’âge numérique, des droits d’auteur protecteurs et rémunérateurs sont tout autant indispensables qu’au XXème siècle. Pas tant contre le téléchargement, mais contre les positions dominantes des majors, des opérateurs de télécommunications ou des géants de l’industrie numérique. Il nous faut, comme Beaumarchais, préserver les créateurs du bénévolat et de la mendicité, plutôt que de défendre les rentes de nouveaux féodaux.
Enfin, la révolution numérique nous oblige -nous permet- d’ imaginer une nouvelle exception culturelle, rendue possible par des rémunérations et des soutiens inédits à la création. La radio, la télévision, la vidéo n’ont tué ni le cinéma, ni la musique. À chaque étape, au prix d’adaptations radicales, la France a su envoyer un message positif et progressiste, et non nourrir d’improbables batailles d’arrière-gardes.
De tout cela, il n’en est pas dit un mot dans la loi exclusivement répressive qui vient devant l’Assemblée nationale et qui divise tous les partis. Pourtant, l’urgence est là.
1. OUVRIR LES YEUX SUR LES USAGES, ET LES NOUVEAUX MODELES ECONOMIQUES.
Votre texte nous invite à passer à côté de la transformation de l’économie qui renouvelle radicalement la création, l’édition, la diffusion et l’usage de la musique, du cinéma, et des textes.
Forfaits « 3G » illimités, fibre optique à domicile, haut débit (presque) partout, objets nomades : la marche en avant des technologies se poursuit inexorablement. Elle ouvre, à domicile comme en mobilité, un champ immense de possibles.
De nouvelles pratiques de consommation, de production et de diffusion des œuvres émergent. Leur apparition est provoquée moins par l’accroissement vertigineux des débits que par l’assimilation progressive dans notre société des principes fondateurs de l’internet et des possibilités qu’ils ouvrent.
Tous les appareils interconnectés par le « réseau des réseaux » y sont en effet fondamentalement égaux. Ils peuvent être diffuseurs autant que lecteurs de tous types d’informations et de contenus. La copie, à coût nul, le partage et l’échange non lucratifs ont pris une place grandissante dans nos vies quotidiennes.
Nous avons la fabuleuse chance d’être les témoins et, pour beaucoup d’entre nous, les acteurs de plus en plus nombreux d’une grande mutation dans notre rapport à l’information et à la culture. Nos petits-enfants trouveront probablement saugrenu, archéologique, que nous ayons eu à nous déplacer en magasin pour acheter un CD ou un DVD, afin d’écouter une chanson ou de visionner un film. Peut-être trouveront-ils également bien bizarre qu’il leur aurait été interdit en ce temps-là d’échantillonner, de mélanger, de modifier, de proposer « leur » version des œuvres constitutives de leur culture ou des logiciels qu’ils utilisent dans leur vie quotidienne numérique. Cela rappellera un temps où nous étions des consommateurs très passifs, voire captifs, de culture et d’information. Ce temps paraîtra tellement figé et inconfortable. Et le paiement traditionnel associé à cet acte semblera un lointain souvenir.
La musique cherche son futur.
Les années récentes ont vu l’émergence et la cohabitation des nouveaux modèles : vente sur les plates-formes, iTunes en tête, abonnements, sites gratuits de streaming financés par la pub.
La quasi-totalité des contenus musicaux sont aujourd’hui, » légalement » ou non, pour la plupart disponibles en ligne. Sous une forme peu attrayante, en des copies de qualité aléatoire disponibles sur les réseaux « P2P », ou via des offres innovantes, le plus souvent acquittées au forfait, qui séduisent peu à peu les consommateurs.
J’aime aller sur le site Jiwa…
C’est, comme Deezer, un site commercial gratuit.
On y trouve des millions de titres en écoute libre. Comme sur Deezer ou MusicMe. Il n’est pas pourchassé par les majors, je peux même penser qu’elles l’ont inspiré et nourri. On gagnerait à savoir s’il rétribue équitablement les artistes. Il me permet d’écouter des albums entiers, sans limite, sans même avoir besoin de télécharger.
J’ai ainsi découvert au fil du temps Camille ou Rokya Traoré. J’y ai écouté gratuitement le dernier album de Carla Bruni.
C’est dire que l’on est loin du protectionnisme de votre texte, devenu furieusement ringard.
Mais surtout, comment irai-je expliquer à un adolescent qu’il peut écouter toute la musique du monde en streaming sans être inquiété, mais que télécharger et partager les mêmes titres devient grave et illégal ?
Pour qu’une loi soit pédagogique, il faut qu’elle soit crédible et juste.
La votre appartient déjà à la longue traine des lois aveugles.
J’en veux pour preuve ces innombrables idées fausses.
2. LE CIMETIERE DES IDEES FAUSSES.
Les orientations que vous défendez exigent de notre part un réquisitoire global, argumenté et…implacable.
C’est une incroyable saga, avec ses rebondissements.
La controverse traverse tous les partis.
Je salue la constance depuis trois ans sous les pressions de quelques mousquetaires de la majorité.
Les derniers jours amenèrent le coming out du rapporteur de la loi DAVDSI, M.Vanneste, désormais adversaire irréductible de vos choix, la vibrante de dénonciation de Jacques Attali, le plaidoyer efficace de l’UFC-Que Choisir, ou le travail d’expertise citoyenne exceptionnel de la Quadrature du Net, porte-parole d’un très grand nombre d’internautes, et qu’on ne saurait mépriser et résumer à » cinq gus dans un garage « , comme l’a fait un de vos conseillers bien loin de la société réelle.
Ce sont là des symptômes : il n’y a aucun consensus, en France, ni en Europe, autour de ce texte, mais au contraire un rejet massif, de multiples origines.
Et puis s’est déployé un débat normal, passionnant, au sein des groupes parlementaires, parfois partagés, au sein des partis politiques, faut-il s’en plaindre ? Le mien a tranché, enfin, et dans la bonne direction.
La première des idées fausses :
La loi DADVSI de 2006 garderait toutes ses vertus.
Non, il faut faire haut et fort le constat d’échec de la loi DADVSI.
Une évaluation sincère s’imposerait. Elle serait brève et peu coûteuse.
Un fiasco législatif qui témoigne de l’impuissance publique (c’était le titre prémonitoire il y a 20 ans d’un livre de Denis Olivennes) à appréhender les défis contemporains.
* Loi inappliquée et inapplicable
* Se reposant sur la magie des DRM : les mesures technique de protection, une stratégie suicidaire, comptable des années perdues
* Proposant comme réponse miracle le mirage des plate-forme de vente au morceau en ligne
* Défendant la sanction disproportionnée plutôt que l’innovation.
Voilà pourquoi la loi DADVSI doit être abrogée. Nous avons déposé un amendement pour cela.
Le faux consensus de l’Elysée devrait servir de rampe de lancement à cette loi.
Les sociétés d’auteurs et les FAI se sont mis d’accord sur la » riposte graduée « , pas sur une meilleure rémunération des artistes.
S’y opposent, ceux qui n’étaient pas conviés autour de la table, dont le tiers état des consommateurs et des citoyens. Mais aussi les artistes-interprètes.
S’en démarquent plusieurs qui l’avaient signé sous intimidation, craignant les représailles -ils nous l’ont confessé.
Un accord interprofessionnel de cette nature peut-il à lui seul faire la loi, en particulier pour régir les rapports avec le public.
Le téléchargement, un bouc-émissaire facile
Henri Poincaré disait qu’ » on fait la Science avec des faits comme une maison avec des pierres ; mais une accumulation de faits n’est pas plus une science qu’un tas de pierres n’est une maison. «
L’élaboration de la loi, le difficile chemin vers l’intérêt général, sinon le consensus, ne seront probablement jamais des sciences « dures ». Certaines pratiques scientifiques gagneraient peut-être cependant à inspirer l’action gouvernementale… Décréter n’a jamais force de preuve. Et comme nous le rappelle Poincaré, juxtaposer des faits ne vaut pas démonstration.
Il est pratique de faire du téléchargement le bouc émissaire de la crise de la culture.
Alors que le pouvoir d’achat des Français a fortement baissé depuis 2002, alors que les nouveaux moyens de communication ou plus simplement le loyer ou le carburant grèvent une part sans cesse croissante du budget de nos concitoyens, nous sommes aujourd’hui sommés de voir dans le seul téléchargement le responsable de tous les maux de l’industrie du disque. Cela est un peu court, pour ne pas dire inepte. Depuis 2005, je demande, avec mes collègues du groupe socialiste, qu’une mission d’information parlementaire dresse un panorama plus juste et équilibré que celui brossé à grands traits par les rapports commandés par quelques lobbies.
Sans ce nécessaire travail préparatoire, nous ne construisons pas la nouvelle cité numérique ou les auteurs et les artistes se voient conférés de nouveaux droits. Nous édifions plutôt à la hâte une version numérique des villages Potemkine pour le plaisir du Prince.
La bataille des chiffres fait rage.
Tant de causes expliquent ces tendances.
La gratuité de l’accès rendrait la rémunération de l’artiste impossible.
Or, dans ce nouveau monde, la gratuité n’est pas le vol.
Si elle n’est pas encore la règle, elle n’est plus l’exception. Le paiement sera-t-il bientôt une relique du passé ? L’accès contre paiement est-il un modèle dépassé ? Même si de nouvelles pratiques n’éradiquent jamais totalement les plus anciennes, ces questions méritent d’être posées et le constat d’une large gratuité de l’accès aux musiques et films peut être dressé.
La publicité, bien qu’évacuée de la télévision publique, a droit de cité sur les sites musicaux. De nouveaux éditeurs tentent de valoriser les œuvres et de créer des services autour de l’œuvre elle-même. Les sites de « streaming » permettant d’écouter la musique du monde entier, de regarder les films en flux, sans avoir à les télécharger préalablement sur son disque dur, apparaissent. Le téléphone mobile, le smartphone, l’ultra-portable sont des terminaux connectés en permanence à des sites de contenus illimités. » Pirater » et stocker des fichiers ne sont même plus nécessaire…
Dans une telle situation, imaginer rétablir l’ordre ancien de la rareté des copies par une loi répressive, c’est puiser l’eau avec un filet à papillon.
Cette loi permettrait de créer plus de valeur et de mieux rémunérer les artistes.
Aux artistes, on vend une grande illusion sécuritaire, là où il faudrait imagination et courage.
C’est pourtant ce que persistent à vouloir Nicolas Sarkozy et ses ministres jamais avares de textes inapplicables, en rédigeant de nouvelles lois prétendant endiguer l’irrépressible.
Vous défendez une loi de circonstance, une loi de commande.
Et les lobbies, eux, adorent retarder, ils trouvent toujours pour cela des partisans actifs ou des complices naïfs.
Les artistes ont raison de taper du poing sur la table, car le monde ancien s’effondre. Faut-il pour autant que de mauvaises réponses leur soient servies comme autant de somnifères ?
Qu’un nouveau moyen de communication bouleverse les équilibres et génère de nouvelles peurs n’a pourtant rien de neuf, et pour ne citer que deux exemples, les chaînes cryptées sur abonnement – Canal + – et la cassette vidéo devaient être les fossoyeurs du cinéma. Il n’en a heureusement rien été. En premier lieu, de nouvelles pratiques rémunératrices ont séduit les consommateurs en leur apportant plus de facilité. La location et la vente, hier de cassettes vidéo, aujourd’hui de DVD, ont rapidement généré une part significative des revenus des professionnels du cinéma. Sans offre attrayante pour le consommateur, qui reste dans l’écrasante majorité des cas également un citoyen, rien n’est possible. Ensuite, les gouvernements de l’époque ont su prendre leurs responsabilités et contribuer de manière décisive à la définition de nouvelles conditions de production et de nouvelles rémunérations plus adaptées. Nous vivons un moment semblable…mais la politique court derrière la société.
La » riposte graduée » serait un dispositif indolore.
La surveillance généralisée du net est, au contraire, une horreur juridique et une redoutable transgression
Mille motifs conduisent à rejeter cette loi injustement baptisée » Internet et création » : surveillance généralisée du net, absence de recours et de procès équitable avant coupure, identification hasardeuse des » coupables « .
Il est assez simple d’y voir l’amorce sans précédent d’une surveillance automatisée des échanges. Comme si l’hypersurveillance était notre horizon inévitable !
Le caractère encore très technique du sujet vous épargne la révolte générale des parlementaires attachés aux libertés. Mais prenez garde…les internautes, eux, ont compris.
A cela s’ajoute la triple peine : car, à la suspension de la connexion, s’additionnent la poursuite du paiement de l’abonnement ainsi suspendu et la persistance des poursuites civiles ou pénales.
La » riposte graduée » serait un dispositif applicable.
Ce système de contrôle est-il fiable ou au moins praticable ?
A titre d’exemple, il faut évoquer les vains efforts pour prévenir le téléchargement sur des bornes publiques wifi, à tel point que l’on envisagerait la création de « listes blanches » prétendant sélectionner les sites dignes de l’intérêt de ceux qui se connectent à l’internet par des points d’accès publics ! C’est un non-sens absolu, une architecture ubuesque que la plupart des états autocratiques sentent eux-mêmes -et heureusement- hors de portée.
La France serait isolée en Europe et au-delà.
Faux. Partout la controverse est publique.
En Europe, l’Angleterre, l’Allemagne ou encore la Suède ont, c’est vrai, envisagé un temps la mise en place d’une » riposte graduée « . Avant d’écarter, et de quelle manière, cette impasse.
Brigitte Zypries, la Ministre de la Justice allemand » ne pense pas que (la Riposte Graduée) soit un schéma applicable à l’Allemagne ou même à l’Europe. Empêcher quelqu’un d’accéder à l’Internet me semble être une sanction complètement déraisonnable. Ce serait hautement problématique d’un point de vue à la fois constitutionnel et politique. Je suis sûre qu’une fois que les premières déconnexions se produiront en France, nous entendrons le tollé jusqu’à Berlin. «
Pour Lena Adelsohn Liljeroth et Beatrice Ask , Ministres suédois de la Culture et de la Justice, » la proposition de donner aux FAI le droit et l’obligation de couper les abonnements à Internet des internautes dont la connexion a été utilisée de façon répétée pour des violations du copyright a été fortement critiquée. Beaucoup ont noté que la coupure d’un abonnement à Internet est une sanction aux effets puissants qui pourrait avoir des répercussions graves dans une société où l’accès à internet est un droit impératif pour l’inclusion sociale. Le gouvernement a donc décidé de ne pas suivre cette proposition. Les lois sur le copyright ne doivent pas être utilisées pour défendre de vieux modèles commerciaux « .
(Beaucoup) plus loin de nous, la Nouvelle-Zélande a suspendu un projet de loi de ce type juste avant son application jusqu’à ce qu’une solution viable soit trouvée. Là bas, c’est le manque de preuve avant la suspension de l’accès à l’Internet qui a été déterminant.
Malgré ce catalogue d’idées fausses, une abondante propagande s’est abattue.
Elle prend la forme d’incroyables sophismes :
» La création va mal, le téléchargement, c’est le mal, donc combattre le piratage, c’est faire du bien à la culture « .
J’y vois une forme de jdanovisme mondain qui renseigne surtout sur la pauvreté de l’inspiration actuelle de notre politique culturelle.
3. LES NOUVEAUX DROITS DANS LA CIVILISATION NUMERIQUE : nos propositions
Mais le plus grave au fond, reste que tant d’intelligence collective ait été consommée en illusion sécuritaire, alors que les choix majeurs de politique culturelle sont laissés en jachère. Le temps est venu d’écrire les nouveaux droits d’auteur de l’âge numérique. Par un grand débat international, et non par un faux consensus forcé, fût-il dicté à l’Elysée.
Les vraies priorités
Nul ne conteste la nécessité de règles. Mais tout indique qu’elles doivent régir en priorité les rapports économiques, laissés en l’état de jungle, entre auteurs, artistes -dont les interprètes-, producteurs, éditeurs, géants du commerce informationnel et des réseaux de communication. Là plus que dans ce que vous nommez » piratage » se trouve le triangle des Bermudes qui engloutit les droits des créateurs, le respect dû aux œuvres de l’esprit et leurs rémunérations.
La bataille principale, ce n’est pas le piratage, mais plutôt le contrôle des principaux canaux de diffusion de la musique, et demain du cinéma. Aujourd’hui, Appel a conquis sa première place, presque monopolistique.
Lever les blocages.
Les créateurs et les artistes sont mal rémunérés dans les partages qui s’instaurent. Sur iTunes, près de 80% vont au producteur et une petite minorité aux artistes! La valorisation via l’offre commerciale ne décolle pas. En effet, les éditeurs peinent à accéder aux catalogues à des prix décents, et le coût des bandes passantes facturé par les opérateurs de télécoms restent prohibitifs.
Nombre d’artistes entreprennent de se produire eux-mêmes pour échapper à ce qu’ils considèrent comme un racket.
Ainsi, pendant que l’on traque l’internaute qui partage des fichiers musicaux à des fins non lucratives, un monde mal régulé, celui des échanges culturels marchands, peine à rechercher un nouvel équilibre des droits. Les prédateurs font la loi. Les faibles cèdent devant les puissants.
Défenseurs du droit d’auteur, nous devons le rester, avec intransigeance, à condition de ne pas nous tromper de bataille. L’univers numérique oblige à réécrire le droit exclusif et même le droit moral, pas à les supprimer, dés lors que l’on agit dans la relation commerciale.
Mais la nouvelle exception culturelle française ne passe pas par une dérisoire » riposte graduée « , loi d’affichage, qui ne règle rien, ne rémunère personne et qui rejoindra, dans le cimetière des textes aveugles, la loi DADVSI de 2006 jamais appliquée.
Ouvrons plutôt dès aujourd’hui le chantier d’une contribution créative, dont les revenus manquent cruellement aux acteurs du monde de la culture, artistes qui ont choisi l’autonomie, producteurs indépendants et éditeurs innovants, pour réussir cette migration. L’abonnement à l’internet doit, pour quelques euros par mois, contribuer au financement de la création. Ce n’est pas une réparation, mais un juste équilibre, prometteur du nouvel âge de la culture que nos générations doivent conquérir.
L’internet doit financer la création
Je dénonce également l’absurde.
D’abord la taxe sur les opérateurs, votée ici même.
Je le dis aux artistes, aux producteurs, en particuliers aux indépendants, aux sociétés de droits, et d’abord aux citoyens, aux internautes, aux consommateurs et aux contribuables : c’est un détournement de fonds.
Financer la télévision publique grâce aux fournisseurs d’accès : c’est contre nature.
Ensuite, le coût énorme pour les FAI s’ajoute au coût de la Haute autorité.
En mettant bout à bout ces trois ressources, l’on assurerait un financement de la musique bien au-delà des désordres actuels.
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Nous voulons défendre ici l’une des plus belles idées de notre temps : l’idée de l’alliance libre de l’Internet et de la culture. Ce sera notre contribution positive, pour échapper à ce cauchemar législatif, et surtout, pour préparer des temps meilleurs.
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